Le 24 mai dernier, quelques minutes avant minuit, Woly Faye postait sa première vidéo en ligne et remportait son défi personnel : écrire, filmer, monter une vidéo et la rendre publique !
Woly Faye, franco-sénégalaise installée à Montréal, du haut de ses 24 ans, a déjà un parcours multiple fruit de sa curiosité et révélant une véritable recherche de sens. Actuellement étudiante en développement international et action humanitaire, après avoir débuté des études de commerce, elle multiplie les petits boulots ainsi que les pays de résidence.
De ses différentes expériences, Woly a fait de « l’intégration » au sens large une priorité car elle avoue volontiers s’être souvent sentie « invitée » en France. Ce sentiment s’est estompé dans son nouveau pays d’adoption.
En tant que femme, noire, musulmane, voilée, elle aurait pu y faire l’objet de discriminations. Son caractère aidant, elle affirme ne pas trop avoir eu de difficultés. Dans le respect des valeurs inculquées par ses parents, Woly explique que pour elle, l’intégration doit venir d’un effort personnel
La société est une oeuvre d’art collective où chaque personne apporte sa propre touche
L’intégration est donc pour elle une question de fond. Aussi, lorsque le Musée des Beaux-Arts de Montréal a choisi pour son concours spécifiquement destiné aux jeunes musulman·e·s (!) cette même « intégration » pour thématique, elle ne s’est pas sentie stigmatisée mais encouragée à prendre la parole et surtout inspirée. Elle nous inspire par la même occasion.
Un récit positif
La proposition filmée de Woly maîtrise parfaitement l’art du récit, que ce soit par le texte ou les images. Réalisée seule pour la majorité des prises, le propos est également très personnel puisqu’il nous permet d’entrer dans l’intimité de l’artiste, notamment en train de peindre et de jouer du piano. Le texte déclamé nous fait entrer au cœur même de ses réflexions les plus profondes.
Fascinée par toutes les expressions artistiques, Woly choisit de faire un parallèle avec la peinture. Celui-ci fonctionne et nous emporte.
J’ai commencé la peinture il y a deux, trois ans. En peinture, tu peux mettre 4 000 couleurs et ça peut faire un beau résultat. L’allégorie est bonne, ça ressemble énormément à la société. Le noir peut représenter un caractère X, le rouge un caractère Y. Mais comment tu fais pour que ça « match » bien ?
La scénarisation révèle pleinement le regard cinématographique et poétique que la réalisatrice porte sur le réel. Mais la vidéo apporte un témoignage sincère et véridique qui propose de mettre en lumière l’approche qu’a une grande partie des jeunes femmes musulmanes aujourd’hui : faire sa place et poursuivre ses objectifs sans se soucier du qu’en-dira-t-on ou de fausses idées relatées sur les femmes musulmanes.
Je crois que la meilleure manière d’enseigner ou de faire passer un message est de le montrer par l’exemple
Un message important à entendre aujourd’hui, aussi bien pour les musulman·e·s susceptibles de désespérer que pour les non-musulman·e·s
C’est d’ailleurs notamment dans sa foi musulmane que l’artiste trouve la force de persévérer dans ses projets.
Ma foi en Dieu m’aide beaucoup dans ma vie de tous les jours. Je sens que Dieu m’accompagne, qu’Il est présent. Dans les bons comme les mauvais moments, Dieu est là pour moi, et est probablement la seule entité à l’être par Sa constance. J’aime le fait qu’en Islam, il nous soit répété si souvent de faire preuve de patience (pourtant difficile), de compassion, de pardon, d’amour, de don de soi. Ce sont des principes qui facilitent le vivre-ensemble.
La pratique de l’art, selon la vidéaste, peut permettre de se rapprocher du divin. « Un ami ouvert à la spiritualité m’a appris que l’islam n’est pas fermé à l’art, l’art est aussi une manière d’atteindre Dieu. Quand je joue au piano, je réalise à quel point j’ai des capacités intellectuelles ou physiques extraordinaires [venant de Dieu]. Et parfois rien que le son te transporte, ou la peinture, l’art c’est une manière de se connecter à Dieu. »
Pour les musulmanes qui souhaitent se lancer dans les pratiques artistiques, elle n’a qu’un conseil :
Il faut sauter. Une fois que tu sautes, Dieu vient à toi, Il dit « regarde cette personne, elle est en train de se battre pour une chose » donc Il te donne les ressources extraordinaires. J’ai rencontré des gens, j’aurais jamais imaginé les rencontrer si je n’avais pas sauté, jamais je n’aurais pu faire tout ça. Donc il faut sauter. You have to jump ! Allez-y
La créativité avant tout
Au moment où l’entretien a été fait, Woly était sur le départ pour un stage dans une ONG œuvrant au Sénégal. La vie d’artiste n’est donc pas son quotidien, et si elle n’exclut pas de faire de ses passions artistiques un pan de sa carrière dans l’humanitaire, il y a fort à parier que l’artiste mettra de la créativité et des messages positifs dans tout ce qu’elle entreprendra. Inch’Allah !