Depuis le lancement des campagnes #metoo et #balancetonporc, beaucoup de personnes ont témoigné et partagé leurs douloureuses expériences de harcèlements, d’agressions sexuelles, de viols et/ou de violences physiques et morales. Depuis deux semaines, cette libération de la parole autour des violences sexuelles met en lumière l’importance et l’horreur d’un problème que toutes les femmes vivent au quotidien, et qui est trop souvent tu. Tous ces évènements ont également et malheureusement replongé beaucoup de victimes dans un passé qu’elles ne voulaient pas voir resurgir.
Beaucoup de nos bénévoles et de nos membres ont elles-mêmes été victimes de violences sexuelles, et vivent des moments douloureux depuis le lancement de cette campagne. Chez Lallab, notre priorité sera toujours nos membres, les femmes qui nous contactent pour bénéficier d’une aide et d’un accompagnement et toutes les femmes victimes de violences. Si nous ne réagissons pas à chaud à chaque actualité, c’est souvent que nous vivons nous-mêmes des violences sexistes et racistes et qu’avant de pouvoir écrire et produire, nous avons aussi besoin de nous retrouver dans un espace bienveillant pour nous entraider, nous soutenir, nous protéger et nous donner beaucoup d’amour. Car comme toutes les militantes féministes, nous mettons parfois en danger, trop souvent sûrement, notre santé physique et mentale.
C’est pour cela que nous n’avons pas encore réagi en tant qu’association féministe, autrement que par quelques tweets, par rapport aux campagnes #metoo et #balancetonporc. Nous y travaillons, à notre rythme, selon nos envies et nos besoins. D’ailleurs, les sollicitations répétées que nous recevons depuis 48h de la part de dizaines de médias à nous prononcer sur l’affaire Tariq Ramadan ne respectent pas la temporalité que nous estimons nécessaire pour produire un travail de qualité. Ces demandes sont dérangeantes, parce les journalistes cherchent moins à avoir notre avis de féministes sur les violences patriarcales qu’à nous instrumentaliser à des fins racistes. Il est pourtant crucial d’inscrire cette nouvelle affaire dans le contexte plus global de libération de la parole de ces dernières semaines, depuis l’affaire Weinstein. Mais nous n’avons jamais été contactées pour ces autres affaires. Comme si nous étions des musulmanes avant d’être des femmes. Comme si nous étions seulement légitimes à dénoncer les violences faites par des musulmans. Comme si les violences que nous subissons étaient uniquement le fait de musulmans. FLASH NEWS : ce n’est pas le cas !
Nous dénonçons tous les bourreaux. Et nous soutenons toutes les victimes.
Lallab condamne les violences et sera toujours du côté des femmes qui en sont victimes.
Nous voulons tout d’abord apporter notre soutien à toutes les victimes de violences.
Les témoignages qui affluent depuis quelques semaines ne sont certes que la partie émergée de l’iceberg, mais ils commencent peut-être, espérons-le, à en révéler l’envergure.
Nous vous soutenons, nous vous croyons, et nous sommes de votre côté. Nous savons à quel point il est dur de parler ou de témoigner, d’autant plus lorsque la personne incriminée est connue, puissante, voire intouchable. Et bien sûr, nous n’oublions pas celles qui n’ont pas pu le faire. Nous les soutenons également, et nous leur apportons tout notre amour.
Depuis deux semaines, deux femmes ont eu le courage de témoigner et de porter plainte contre l’islamologue suisse Tariq Ramadan. Elles l’accusent d’agressions sexuelles, de viols et de harcèlement. Nous condamnons fermement ces actes et nous soutenons les victimes dans leurs démarches. Nous serons toujours aux côtés des victimes de violences, peu importe l’identité de l’accusé. Nous condamnons fermement le déferlement de haine et le harcèlement que subissent, comme toujours, les femmes qui ont osé s’exprimer, et notamment Henda Ayari. Nous ne partageons certainement pas les mêmes idées sur de nombreux points, mais les attaques contre sa personne et son témoignage sont scandaleuses.
Le dénigrement de la parole des femmes, sous couvert de “présomption d’innocence”, est également indigne : les faits, récents comme plus anciens, nous prouvent que les femmes qui s’expriment publiquement se mettent bien plus en danger que les hommes qu’elles accusent, et ne le font donc certainement pas à la légère. Rappelons également quelques chiffres, que vous pourrez retrouver dans l’article nécessaire de Simonae sur la culture du viol : 10% des victimes seulement portent plainte suite à un viol ou une tentative de viol, entre 1 et 2% des viols seulement aboutissent à une condamnation, autrement dit 98% des violeurs ne seront jamais inquiétés pour leurs actes. Face à cela, la notion de “présomption d’innocence” dans les affaires de viol et d’agressions sexuelles semble délicate à invoquer, et l’est presque toujours pour silencier la victime.
Les prédicateurs religieux et les hommes célèbres ne sont pas exempts d’être des agresseurs et prédateurs
Les prédicateurs, les leaders religieux, et plus généralement les hommes qui ont une certaine notoriété dans notre société ne sont pas exempts de ces comportements violents et machistes. C’est d’ailleurs grâce à la prise de parole des personnes agressées par Harvey Weinstein, puissant producteur américain, que toute cette campagne a été lancée. Le pouvoir qu’ont beaucoup d’hommes dans toutes les sphères de notre société peut leur permettre d’agir de façon violente envers les femmes de leur entourage, sans en être inquiétés. Sur l’impunité des hommes célèbres, à lire cette excellente BD de Mirion Malle. Nous rappelons qu’énormément d’hommes connus accusés d’agressions, de harcèlement et de viols sont encore aujourd’hui dans les plus hautes sphères de nos sociétés, et ce dans tous les domaines, qu’ils soient politiques, artistiques, économiques, religieux… Un exemple ? La rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque de Paris inaugurée ce mardi 30 octobre.
Défendre coûte que coûte de potentiels agresseurs fait le jeu du patriarcat
L’un des ressorts les plus puissants du patriarcat pour protéger les hommes coupables de violences sexistes est d’ailleurs de rappeler la respectabilité et l’importance de ceux-ci dans notre société.
Une campagne de décrédibilisation violente a frappé Henda Ayari, la première femme ayant témoigné contre Tariq Ramadan depuis l’émergence de #balancetonporc. Elle a été insultée, calomniée et menacée de mort. Avant le début des campagnes #Myharveyweinstein et #balancetonporc, une affaire similaire à l’affaire Tariq Ramadan avait éclaté aux États-Unis. Nouman Ali Khan, un prédicateur très connu outre-Atlantique avait été accusé de “comportements inappropriés” avec des jeunes femmes. Et là, comme pour Tariq Ramadan, une campagne de réfutation de toute accusation s’est mise en marche : il fallait à tout prix blanchir le prédicateur.
Défendre coûte que coûte des hommes soupçonnés de harcèlement et d’agressions sexuels rend la parole difficile à libérer. Le fait que les voix s’élèvent et dénoncent des agissements dangereux est l’opportunité pour toute personne, quelle que soit la structure dans laquelle elle évolue, de réfléchir au fonctionnement de cette structure. Il est donc important, au sein des institutions musulmanes – qui, nous le précisons, ne représentent pas les musulman·e·s – comme dans toute autre institution, de mettre en garde contre les hommes qui jouent de leur position hiérarchique pour commettre des agressions sexuelles en toute impunité, et une fois ceux-ci identifiés, de faire en sorte qu’ils ne s’approchent plus de potentielles victimes et qu’ils soient jugés.
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Lallab dénonce la perpétuelle essentialisation des musulman·e·s à laquelle les médias prennent part
Tous les témoignages recueillis lors de cette campagne confirment ce que beaucoup de féministes répètent depuis des décennies : le patriarcat se vit dans toutes les sphères de nos sociétés et les violences sexistes sont le fait d’hommes, quelque soient leur origine, leur classe sociale ou leur religion. Ainsi, en France 1 femme sur 6 sera victime de viol·s ou tentative·s de viol·s au cours de sa vie. Nous rappelons que le patriarcat, en tant que système d’oppression, ne peut se reproduire que par la participation active des dominants, soit les hommes.
C’est pourquoi, en tant que féministes antiracistes, nous condamnons à la fois toutes les formes de violences, mais nous condamnons aussi toute récupération raciste et islamophobe du combat contre les violences de genre.
L’association Lallab regroupe des personnes musulmanes et non musulmanes. Nous ne sommes pas une association religieuse musulmane. Il est intéressant de constater que nous avons été peu sollicitées au début du mouvement #balancetonporc. Cependant, depuis le début de l’affaire Tariq Ramadan, les médias n’ont eu de cesse de nous contacter. Nous sommes rarement interrogées lorsqu’il s’agit des thématiques générales que nous défendons : le féminisme et l’antiracisme. Nous avons vocation, au sein de notre association, à nous exprimer sur des sujets plus larges que ceux auxquels les médias aimeraient nous restreindre.
Il est également intéressant de souligner les récupérations racistes et islamophobes qui prennent place dans la sphère médiatique suite aux accusations à l’encontre de Tariq Ramadan. L’un des exemples les plus frappants émane du quotidien de gauche, Libération, qui titre en Une du 29 octobre 2017 : “Tariq Ramadan. Silence dans les rangs musulmans”. Il est important de souligner que, peu importe le contenu de l’article, l’injonction faite aux représentant·e·s et aux individus de la “communauté musulmane” d’exprimer une position EN TANT QUE musulman·e·s est intolérable.
Nous tenons à nouveau à apporter notre soutien total aux victimes.
Nous le répétons également, notre énergie est limitée et notre priorité absolue reste nos membres et les femmes qui nous contactent. Pas la presse, et encore moins les vautours qui attendent la moindre occasion pour remettre en cause notre féminisme, alors qu’ils ne font rien pour les femmes, à part se réjouir des violences que subissent celles qui peuvent faire avancer leur agenda politique.
Crédit image à la une : Thaaks.i
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