Enfant, j’ai commencé à jeûner durant le Ramadan « pour faire comme les grands ». Puis, en étant adulte, j’ai arrêté de le pratiquer durant deux ans, avant de finalement comprendre pourquoi je ressentais un manque et le besoin de reprendre le jeûne.
Retour sur mon parcours allant du rejet au besoin.
Ma pratique religieuse est plus ou moins assidue selon les périodes : la seule constante est ma foi. Certain·es me placeraient dans la catégorie « musulmane discrète » : je ne prie pas à la mosquée, je ne porte pas le voile… Je sortais cependant de ma « discrétion » une fois par an, lorsqu’on me proposait un déjeuner et que je disais : « Désolée, je jeûne, c’est Ramadan ».
La différence de regard qu’avaient les personnes me connaissant le moins était d’ailleurs étonnante lorsqu’elles apprenaient que j’étais un peu plus pratiquante qu’elles ne le pensaient…
Une pratique « mécanique »
Ayant grandi dans une famille musulmane, j’ai effectué mon premier jeûne de Ramadan à 11 ans, voulant faire « comme les grands ». C’était à l’époque où le Ramadan avait lieu l’hiver, et les journées étaient courtes. C’était facile : ma mère nous préparait de bons repas le soir, de nombreux camarades au collège jeûnaient aussi… Pour moi, c’était surtout synonyme de fête familiale et de bons dîners.
Moi dès que le coucher du soleil était annoncé
J’ai quitté le cocon familial à 18 ans pour aller voyager trois ans à l’étranger. L’été et le Ramadan arrivant, ma mère était inquiète à l’idée que je le passe seule. Je n’avais pas de personne musulmane dans mon cercle proche. Elle était inquiète à l’idée que je fasse un malaise au vu des fortes chaleurs du pays où j’étais.
Je me sentais frustrée à l’idée de jeûner pendant Ramadan. J’avais l’impression de l’avoir fait par automatisme et suivisme toute mon enfance, sans pour autant comprendre pourquoi je le faisais. De plus, c’était la première fois que je jeûnais l’été : j’avais la sensation que jeûner m’empêchait de profiter pleinement de mes vacances à l’étranger. Je me disais que je ne serais pas là indéfiniment et que je louperais de nombreuses activités estivales dont je n’aurais plus l’occasion de profiter une fois rentrée en France.
J’ai alors commencé à faire un « jeûne de Ramadan à temps partiel » : je le faisais les jours de la semaine durant lesquels j’étudiais, mais je m’autorisais des pauses le week-end. Je me disais que je suivrais ce rythme étrange tant que je serais à l’étranger.
Moi pensant que c’était une super idée à l’époque
La première année, je vivais bien avec cette décision : ma mère était rassurée, je pouvais profiter pleinement de mon été. Mais la deuxième année fut différente : je sentais que quelque chose clochait. Pourquoi avais-je la sensation que quelque chose n’allait pas ? Pourquoi ne pouvais-je pas arrêter tout simplement de jeûner plutôt que d’avoir cette pratique étrange ?
J’ai réfléchi sérieusement à ces questions : j’avais l’impression que ne plus jeûner pendant Ramadan me rendrait encore plus « discrète » dans ma foi, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’effacer. J’avais peur de devenir quelqu’un d’autre, de m’autoriser encore plus d’écarts, jusqu’à m’éloigner complètement de ma foi. Ce n’était clairement pas ce que je souhaitais, ma foi fait partie de moi.
L’année suivante, j’ai décidé de reprendre mon jeûne sérieusement après deux ans d’intermittence. Je n’avais pas rattrapé les jours que j’avais manqués mais il fallait bien reprendre quelque part !
Ma compréhension du sens du jeûne
Ce Ramadan avait eu un écho bien plus fort : j’étais seule à le pratiquer loin de ma famille, aucune personne musulmane dans un cercle proche. Ma première rupture de jeûne était loin de la table gargantuesque que ma mère préparait.
Oui, j’ai déjà rompu un jeûne avec des céréales
Petite, je ne comprenais pas pourquoi certain·es avaient hâte de voir la période de Ramadan arriver. C’était presque de l’excès de zèle pour moi, c’étaient « les bon·nes élèves », celles et ceux qui voulaient « des points bonus », qui disaient ça ! J’ai finalement compris pourquoi lorsque j’ai repris le jeûne après deux ans de pause.
Certain·es trouveront peut-être ces raisons peu compréhensibles, mais j’ai compris pourquoi j’avais besoin du Ramadan : au-delà du fait que c’est un des 5 piliers de l’Islam, c’est une période d’introspection pour moi.
J’ai besoin de jeûner pour :
La première gorgée d’eau après le jeûne
Je me retrouve à être enthousiaste à l’approche de cette période alors que petite, cela me semblait bizarre d’avoir hâte de voir le Ramadan arriver. Sans ce mois, j’ai l’impression d’être happée dans ma vie quotidienne en oubliant la beauté, la magie de ce corps humain résilient et de la vie en général.
Alors oui, ma pratique n’est clairement pas parfaite et ne le sera jamais : je dois probablement rattraper deux mois de Ramadan, je devrais me mettre régulièrement à la prière et arrêter complètement l’alcool. Je suis heureuse cependant de voir à quel point ma pratique a de plus en plus de sens pour moi.
Je vous souhaite à toutes et à tous un très beau Ramadan. Que vous soyez seul·e ou en famille, j’espère que ce mois vous apportera plein de belles choses.
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