[Article publié initialement le 6 mai 2019]
Durant ce mois de ramadan, #Lallab soutient le merveilleux projet Power Our Stories, créé par notre co-présidente Attika Trabelsi.
Attika relève le défi de vous faire voyager à travers l’histoire de 30 femmes musulmanes ayant grandement contribué au développement et à l’essor de l’islam.
Des femmes si importantes qui furent pourtant pour la grande majorité oubliées, invisibilisées ou bien même discréditées.
Mais si ces femmes ont existé, si elles ont coexisté, si elles ont gouverné, alors elles viennent faire voler en éclat les images et rôles auxquels certain.e.s tenteraient de nous assigner, nous femmes musulmanes.
Les mettre à l’honneur, c’est questionner, c’est revendiquer plus d’équité, plus d’égalité !
Il est des rôles qui aujourd’hui semblent comme par nature et par disons le aussi construit et acquis social revenir aux hommes. Pourtant, l’histoire que je vais vous raconter va nous rappeler avec force que l’assignation d’un genre à un rôle n’est pas chose naturelle. En effet, l’histoire que je m’apprête à vous conter se déroule en Arabie du VIIème siècle. Elle est celle d’une femme musulmane aux multiples facettes, aux multiples rôles, aux multiples visages. Elle est celle d’une femme qui fut mère, épouse, compagnonne du Prophète (Paix et bénédictions sur lui). Elle est celle d’une femme dévouée, portée par une croyance profonde en ses valeurs, celle d’une femme persévérante, combattante et inspirante. Cette femme, c’est Nusayba B. Ka’B Al Ansariyya, connue également sous le nom de Umm Ammara. Figure militaire, figure religieuse mais aussi figure féministe des 1ers temps de l’islam, Nusayba fait partie de ses femmes qui nous rappellent l’importance du rôle politique, religieux et social qu’ont pu et dû jouer les femmes musulmanes d’antan.
Avant de vous conter l’histoire de cette femme fascinante plus en détail, j’aimerais vous rappeler l’importance que revêt le travail de production et de réappropriation des savoirs, le travail de (ré)écriture de l’histoire sous le prisme féminin. En effet, si cet article vous est partagé aujourd’hui, c’est avant tout grâce au travail incroyable que mène un certain nombre de femmes depuis des années. Des femmes musulmanes ou non en quête d’émancipation, en quête de sens et de réponses, en quête de justice. Ces femmes sont convaincues que le message de l’Islam est émancipateur et instaure l’équité des droits et devoirs entre les hommes et les femmes au sein de la société. Elles luttent ainsi quotidiennement en ce sens à travers leurs productions et leurs écrits. Ainsi, j’aimerais mentionner le travail réalisé par ces femmes m’ayant permis de collecter les informations nécessaires à la rédaction de cet article à l’image des travaux réalisés par l’incroyable magazine féministe américain Muslim Girl mais également par la professeure en sciences islamiques à l’université d’Oxford, Elisabeth Kendall.
Ensemble embarquons pour un voyage dans le temps, laissons nous embarquer à la rencontre de l’incroyable Nusayba.
Membre de la tribu des Najjar, Nusayaba fit partie des premiers.es converti.e.s de l’islam dans la ville de Médine. Son soutien sans faille, son intelligence, sa bravoure et son courage lui valurent d’être l’une des compagnonnes renommées parmi les illustres compagnons du Prophète Muhammad (pbl). Cette place occupée par Umm Ammara nous rappelle avec force les liens de confiance, de bienveillance, de proximité qui régnaient alors entre les femmes et les hommes au sein de Médine au VIIème siècle mais également le respect mutuel que les un.e.s éprouvaient pour les autres. De par son maniement de l’épée et du bouclier, ses connaissances religieuses et ses questionnements précurseurs, Nusayaba devraient être un modèle à suivre pour chacun.e d’entre nous. Dans un grand nombre de chroniques, les responsabilités notamment militaires de cette dernière nous invite à voir l’engagement sans faille et la contribution que certaines femmes ont pu avoir dans les années stratégiques et fondatrice de cette nouvelle religion qu’était l’Islam. C’est souvent comme guerrière ayant fait sacrifice de sa vie et de celle de sa famille par amour pour le Prophète (pbl) qu’Umm Ammara est présentée. En effet, c’est lors de la bataille de Uhud en 625, bataille opposant les musulman.e.s aux Mecquois que Nusayaba s’est révélée. Lors de cette bataille, voyant que le Prophète Muhammad (pbl) étant en difficulté, cette dernière est personnellement venue combattre à ses côtés tenant ainsi en déroute un grand nombre d’opposants, sauvant par la même occasion la vie du Messager (pbl). A la suite de cette bataille, le Prophète (pbl) en personne lui demanda de l’assister sur un certain nombre d’autres batailles, faisant ainsi d’elle l’un.e de ses gardes du corps. Cependant, bien qu’elle ait combattu au côté du Prophète (pbl) de l’Islam à plusieurs reprises, Nusayba ne peut être réduite à ce seul rôle militaire comme certains aimeraient de l’assigner ; Umm Ammara est en réalité bien plus.
Ses connaissances au-delà d’être militaires sont aussi religieuses et philosophiques. En effet, elle était aussi une femme de savoir, faisant partie de celles et ceux qui s’intéressaient de près aux révélations coraniques, étudiant, apprenant et se questionnant sur le sens des versets ainsi nouvellement révélés. De ce fait, Nusayaba fut la première femme d’entre tous les croyants et croyantes à se questionner sur la notion d’inclusion dans les versets du Coran révélés jusqu’alors. Alors que les premiers versets ne faisaient référence qu’aux hommes, Nusayba se rendit un jour auprès du Prophète (pbl) et lui demanda pourquoi le Coran ne faisait référence qu’aux hommes mettant ainsi tout un pan de la communauté musulmane de côté : les femmes. Quelques temps après, les futures révélations transmises au Prophète (pbl) s’adressèrent tant aux hommes qu’aux femmes. Ce verset en fait référence : « Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes, les hommes pieux et les femmes pieuses, les hommes sincères et les femmes sincères, les hommes patients et les femmes patientes, ceux et celles qui craignent Dieu, ceux et celles qui pratiquent la charité, ceux et celles et observent le jeûne, ceux et celles qui sont chastes, ceux et celles qui invoquent souvent le Nom du Seigneur, à tous et à toutes, Dieu a réservé Son pardon et une magnifique récompense. » Coran 33.35
Cet épisode aujourd’hui peu relaté semble pourtant essentiel. Umm Ammara aurait-elle donc été à l’origine d’une certaine conscientisation de la place des femmes dans les écrits du Coran ? Cette interrogation soulevée par Umm Ammara et la réponse qui lui fut apportée par le divin révèle la dimension inclusive que l’islam tend à offrir à l’ensemble des croyants et tout particulièrement des croyantes. La légitimité et les réflexions ayant découlées des questionnements formulés par Nusayba, femme du VIIème siècle se présentent comme un pied de nez historique. Lorsque l’on sait qu’à son époque, ses propos furent écoutés et entendus avec dignité et respect, il est fascinant de faire le parallèle avec la violence et le rejet frontal auquel nous femmes féministes faisons face aujourd’hui lorsque nous tentons de faire accepter une vision inclusive dans nos sociétés contemporaines.
Qu’on ne s’y trompe pas, cet article n’a pas pour but de faire l’apologie de la guerre ou d’une quelconque violence. Aussi étonnant que cela puisse paraître, durant mes recherches, je suis tombée sur un nombre important de vidéos, articles ou blogs utilisant la compagnonne Nusayba comme argument au devoir de participation des femmes à une pseudo “guerre sainte” qui serait menée au nom de l’Islam. Cet article a pour unique objectif de rendre hommage à une femme aux multiples talents afin de nous rappeler qu’à travers l’histoire et le développement de l’Islam, de nombreuses femmes nous ont ouvert la voie pour la construction d’une société plus juste et inclusive. Cela nous montre qu’énormément de femmes ont joué des rôles politiques, religieux et militaires importants et stratégiques. Rendons donc hommage à cette femme qui, au-delà d’être une “simple” guerrière est avant tout un modèle de persévérance, de détermination et de justice.
Crédit image à la une : Houda Damouch, designer et architecte d’intérieur, artiste peintre de formation et de passion. « J’aime à dire que l’art peut s’exprimer de bon nombre des manières, cultiver son être avec minutie et patience comme on cultiverai une fleur délicate est aussi un art. Je me passionne aussi pour le savoir, celui qui nourrit le corps et l’âme, celui qui réforme l’esprit par la sagesse »
Son compte insta : @houdhouda_
Sa page Facebook : /D.sign.HD
Diffuse la bonne parole