Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture exclusivement réservés aux femmes musulmanes. Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole de ce climat d’islamophobie généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits, femmes musulmanes ou non.
Dimanche 27 octobre 2019
Chère Mayem,
Je t’écris aujourd’hui pour te donner des nouvelles de toi plus tard.
Sur la photo que j’ai de toi, tu as un peu plus de 2 ans et tu souris de toutes tes dents. Pourtant, tu as déjà vu et vécu des choses pas très belles, des choses que tu vas traîner avec toi très longtemps, des choses que moi, la toi du futur, je suis à peine en train de résoudre. Mais ne t’en fais pas, parce que peu importe ce qui va t’arriver, tu ne vas jamais t’arrêter de sourire. Parfois, ton sourire sera plus triste, moins lumineux ; quand la vie se fera particulièrement difficile, tu vas même avoir peur d’avoir perdu ton sourire pour toujours. Mais crois-moi, si tu tiens bon et que tu ne te fais pas trop de mal, ton sourire reviendra, plus fort que jamais. Tellement fort que ça te fera mal aux joues !
J’aimerais t’ordonner de ne jamais écouter les voix des personnes négatives, des personnes méchantes, des personnes qui pensent savoir mieux que toi ce dont tu es
capable, mais je ne le ferai pas. Oui, toutes les voix, de toutes ces personnes forceront l’entrée dans ton esprit. Elles te feront perdre du temps, de l’énergie, et parfois, elles te feront sentir comme un gros caca bouda alors que tu es une belle plante qui prend son temps pour pousser. J’aimerais t’ordonner de ne pas les écouter, sauf qu’elles te seront essentielles dans la construction de toi, car bientôt, tu les défieras. Eh oui ! Derrière ce sourire, ce trop de patience face aux vilains pas beaux, cette tendance à douter de tout et surtout de toi, se cache un pouvoir magique : celui de te connaître, d’écouter ton cœur et de te reposer sur ta foi pour suivre ta voie. Et c’est ce qui va te sauver ma chérie. C’est ce qui fait que nous sommes encore en vie : notre obstination à suivre notre instinct, envers et contre tous.
Alors comme le chanteront Jocelyn et Cheela dans une douzaine d’années : laisse, laisse parler les gens, car on s’en fout fiche !
Merci pour ton attention,
Je fais des gros bisous sur tes grosses joues.
Intimement,
Toi.
P.S. : Si tu pouvais accorder moins de temps de ton précieux cerveau à penser aux garçons,
je t’en serais très reconnaissante.
Leïla Ino,
Leïla, qui es-tu ?
Plus le temps passe, plus ma mémoire me fait défaut.
C’est d’ailleurs, pour cela que j’ai pris goût à écrire.
Écrire non seulement pour extérioriser mes sentiments, mes non-dits, mais également pour laisser une trace derrière moi. Au moment même où je t’écris mes pensées ne sont pas claires, et ton enthousiasme de transmettre tes connaissances, ton amour à ton prochain est toujours présent, et pour cela je t’en remercie.
Je suis à la fois reconnaissante et désolée. Désolée, car mes souvenirs que j’ai de toi ma petite repose essentiellement sur des photos que Papa et Mama prenaient. Dieu merci, j’ai une traçabilité de ton enfance et de ce fait de la mienne. Mes yeux me permettent ainsi de visualiser tes instants T tels que ces fameux voyages animés que chaque année nous faisons pour aller au Maroc, avec cette fameuse Renault 21. Cependant, comment saisir, percevoir ressentir ces moments avec exactitude ? Comment pourrais–je prétendre savoir avec certitude ce que tu ressentais, voyais, touchais, goûtais, sentais à un instant donné. Rassure-toi, j’ai toutefois quelques souvenirs ….
Te souviens-tu de ce jour, ou peut être n’est-il pas encore arrivé ? Je prends le risque de te le dévoiler, car ce jour-là, ta Mama fut heureuse de voir ses petites princesses sourire. Ta sœur, Mina, ou devrais-je dire ta « fausse jumelle » de vêtements, et toi participiez à un concours de fin d’année, dans lequel les participants devaient porter leurs costumes.
Ce jour-là, Inna Inooo a prit le plaisir de nous mettre les tachktas, maquillées, parfumées pour cette occasion. Pour elle, nous n’étions pas déguisées, loin de là. Tu étais fière de porter ce vêtement qui t’identifie. Papa, quant à lui, était prêt à prendre des tonnes de photos même si cela allait lui coûter une fortune. 50 Francs ? Peu importe le prix, tu connais la famille bebenss. Ce courage, cette force, cette fierté d’exprimer ta différence est ta principale force.
Leïla, tu as de gros yeux marrons,
Mais pas ceux d’un cochon.
Tu as 10 ans,
Mais tu n’es pas un enfant.
Pour terminer, je te dirais ces quelques mots (car malheureusement je suis contrainte d’achever cette lettre pourtant j’ai tant de choses à te dire…)
Écoute ton sixième sens, qui repose sur ton cœur. Sache que rien n’est acquis. Garde ton sourire. Ta Positive attitude. Crois-en tes principes, tes valeurs.
Exprime-Toi. N’aie pas peur d’être différente. Une chose est sûre, on ne peut pas plaire à tout le monde.
Regarde-Toi, Aime-TOI,
Be Yurself,
Je t’aime comme TU ES.
YurselfLey.
27 octobre 2019
Chère Meriem
À l’aube de tes six ans, tu ris aux éclats avec ta famille, tes sœurs et tes presque sœurs.
Insouciante, revenant de vacances, après deux mois au Maroc, tu ne le sais pas encore, mais tu ne rencontreras ta famille et ton pays d’origine qu’à l’âge de 17 ans. Cette injustice fera que vous visiterez tout, sauf ce pays. Mais ce sera ta richesse et ton envie de découvrir et voyager qui s’instaurera petit à petit.
Eh oui, tu ne t’en rends pas encore compte, mais c’est sur ces moments-là que tu pourras te reposer quand tu grandiras : la fraternité, l’amour et la famille.
Dans les bons moments et mauvais moments ça sera ton plus grand soutien, ton réconfort, face à l’adversité, aux épreuves, l’injustice que tu subiras, l’humiliation, et j’en passe. Face à la maladie, au bonheur et aux moments de joie.
Chéris tous ces moments partagés, car tes parents, ta famille t’ont donné la force, l’amour, les merveilleux souvenirs de joie, le courage, la capacité de lutter pour tes droits, et surtout d’être la meilleure version de toi-même.
Sache que ton cocon doré, tu pourras toujours t’y ressourcer, t’y nourrir à n’importe quel moment, n’importe quel âge, dans toutes les étapes de la vie. Alors profite, ris, voyage, lis, aime, chante, danse, élève-toi de plus en plus vers Dieu. Lui, combiné à ta famille, sera ta plus grande force mentale lors de toutes les épreuves de la vie que tu vas traverser, et sache-le : pas tout le monde a cette chance-là. Tu t’en rendras compte bien assez tôt. Conserve cette âme pure et sache que la vie est belle, pleine de surprises et de belles rencontres, riches et humaines. Ne brise jamais tes rêves, va loin. Je t’aime.
Crédit photo : Lallab
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