[ Article écrit par une bénévole de Lallab. Il ne s’agit pas d’un communiqué officiel de Lallab. Pour lire le communiqué au sujet de la loi, cliquez ici. ]
Voilà plusieurs mois que nous entendons parler de ce projet de loi.
D’abord dirigé contre le communautarisme, il s’oriente à présent vers la lutte contre le séparatisme. Le séparatisme renverrait à une tendance, une pratique de certain.e.s concitoyen.ne.s qui vivraient avec des lois et des valeurs qui leur seraient propres, faisant ainsi abstraction des lois de la République.
Dans ce projet, le gouvernement prétend défendre les femmes, les aider à travers des mesures liberticides et contre productives. L’hypocrisie de ce projet se retrouve principalement à travers deux mesures : l’interdiction du certificat de virginité et la renonciation aux horaires non-mixtes dans les piscines municipales.
L’interdiction du certificat de virginité, une mesure qui sauvera les femmes en danger ?
L’article 16 de ce projet de loi contre le séparatisme punit d’un an de prison l’établissement de virginité. Cette mesure a été présentée comme une défense des femmes, favorable à leur émancipation. Est-ce véritablement le cas ?
Il convient tout d’abord de souligner que la demande de certificat de virginité est une pratique minoritaire en France. Fort heureusement. Mais ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une pratique minoritaire qu’il faut nier sa réalité, son existence. Certaines familles conservatrices imposent la virginité à leurs filles. Elles demandent, pour cela, un certificat de virginité pensant qu’un hymen intact est gage de virginité. Le médecin, agissant selon sa conscience, protège sa patiente en déclarant qu’elle est vierge alors qu’elle ne l’est plus. Il préserve ainsi son intimité dans laquelle sa famille souhaite s’immiscer.
Une amie travaillait dans un centre social dans le Val de Marne. Elle m’a raconté, qu’un jour, une jeune fille âgée de 18 ans, est venue la voir en pleurs. Son père lui a dit que sans certificat de virginité, elle ne rentrerait plus chez lui (et donc chez elle). Mon amie a conduit la jeune fille chez un médecin, alerte de ce genre de pratiques conservatrices. La jeune fille n’était pas vierge, mais le médecin, convoquant sa conscience, a rédigé un certificat qui lui a permis de rentrer chez elle et qui l’a sauvée. La parole d’un médecin est très précieuse.
Le gouvernement agit dans la précipitation. Ce genre de pratiques doit être dénoncé, nous n’affirmerons jamais l’inverse. Mais il faut un véritable travail de fond pour transformer les mentalités extrêmement conservatrices et misogynes. Le gouvernement pense-t-il sincèrement qu’en mettant fin aux certificats de virginité, il protégera ces jeunes filles ? Pense-t-il qu’il mettra un terme à ce genre d’immixtion dans l’intimité sexuelle de ces femmes ?
L’interdiction de ces certificats n’est qu’un coup de communication. Un coup de communication pouvant être fatal pour les jeunes filles concernées. Là où elles pouvaient espérer être sauvées par un simple certificat, elles devront désormais (car il ne faut pas se leurrer, l’interdiction des certificats ne mettra aucun terme à ces pratiques) affronter de vieilles pratiques qui ne les sauveront pas (contrairement au certificat médical).
Dans l’imaginaire collectif, cette demande de certificat de virginité émane des familles maghrébines et gitanes. En interdisant les certificats médicaux, le gouvernement ressuscite le « savoir-faire » des grand-mères gitanes et arabes et laisse les jeunes filles entre leurs mains. Il les met en danger, en se contentant d’agir sur les médecins par l’interdiction de délivrer ces certificats au lieu de lutter contre les mentalités conservatrices et misogynes encore répandues. Si être séparatiste, c’est créer des normes liberticides ne respectant ni la liberté ni la République, le gouvernement actuel en est le complice et ne fait qu’aggraver la situation !
Interdire la non-mixité dans les piscines municipales pour lutter contre le séparatisme ?
On se souvient des nombreuses polémiques liées aux piscines municipales : non mixité, burkini etc. On se souvient aussi de la chronique humoristique de Marina Rollman, qui conclut : « Les gens à la piscine, c’est pareil. Au lieu de vous agiter “ La République” , “ la laïcité” , “ on a pris la Bastille pour que j’ai le droit de voir vos cuisses” , concentrez-vous sur ce qui vous rassemble. Sur cette belle communauté de tordus, vous les gens qui aimez la piscine (…) Bref, laissons ces gens bizarres vivre peu importe ce qu’ils portent. ».
Une sagesse qui n’est malheureusement pas partagée par tou.te.s, à commencer par le gouvernement …
Cette fois, ce n’est pas le port du burkini que le gouvernement vise, mais la non-mixité dans les piscines municipales. Ce projet de loi donne la possibilité au préfet de faire un recours suspensif contre l’élu.e qui aurait pris une décision « gravement » contraire au principe de neutralité du service public. La concession d’horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales serait donc une décision « gravement » contraire au principe de neutralité du service public. Cette disposition figure dans le projet de loi contre le séparatisme, donc les femmes qui souhaiteraient se baigner à l’abri des hommes seraient des séparatistes et l’élu.e qui accorderait cette demande de non-mixité, complice, promouvrait le séparatisme.
Vraiment ? Est-ce que nous pourrions envisager une seconde que d’autres éléments motivent une telle demande de non-mixité ? Que les femmes aient envie d’être entre elles. Les femmes sont constamment soumises à des codes sexistes : ne pas être trop grosses, ne pas être trop fines, être comme ci, être comme ça… Pouvons-nous envisager une seconde qu’elles ne les supportent pas et qu’elles n’aient pas envie d’être dévisagées par des hommes qui scrutent chaque élément de leur corps ?
J’ai été dans une salle de sport mixte et je peux vous dire combien c’est insupportable de courir sur un tapis et de voir un vieux mec derrière vous scruter votre postérieur. Vous n’avez plus envie d’y remettre les pieds, à la fin… Et une salle de sport non mixte m’aurait fait le plus grand bien… De nombreuses femmes, quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion, partagent cette pensée. Pouvons-nous encore exprimer ces mots — ces maux — sans être taxées de séparatistes ?
Nihed
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