Il est des personnalités qui en l’espace de quelques années parviennent à remettre en question un ordre étant établi depuis bien longtemps déjà. La femme dont nous allons parler aujourd’hui fait partie de celles-là.
En l’espace de quelques années et bien qu’au prix de plusieurs violences subies, Hürrem Sultan parvint à faire évoluer le regard porté sur les femmes en politique au sein de l’Empire. Ses talents, son courage, sa détermination et son amour propre permettront d’ouvrir la voie à une lignée importante de femmes sultanes après sa mort.
Fille d’un prêtre orthodoxe, c’est vers 1504 qu’Aleksandra Lisowska naquit au sein du territoire de la Ruthénie, dans le royaume de Pologne, situé dans l’actuelle Ukraine. Elle vécut une enfance joyeuse auprès de ses parents et sa sœur. A l’âge de 15 ans, Aleksandra se fiança à l’un de ses amis d’enfance. Quelques semaines plus tard, à la suite d’un raid tatar dans sa région, elle assista, impuissante, au massacre de sa famille et de ses proches. Quant à elle, elle sera faite prisonnière et sera vendue en tant qu’esclave au sein de l’empire ottoman, à Constantinople.
En 1520, Aleksandra fut probablement offerte en guise de présent au Sultan Suleiman quelques jours après son accession au trône. Elle n’avait alors que 16 ans. Très vite, son fort caractère et son ton désinvolte et enjoué lui valurent le surnom de « Hürrem », signifiant littéralement la joyeuse. C’est en 1521, qu’elle donnera naissance à son premier fils.
Aleksandra devint rapidement favorite du roi, et occupa une place centrale dans la vie du palais. Les faveurs que le Sultan lui faisait et les poèmes qu’il lisait publiquement à son attention, déclenchèrent les jalousies au sein du harem. Bientôt, le souverain délaissa ses autres concubines et fit le choix de vivre pleinement sa relation avec Hürrem. C’est ainsi qu’en 1534, Hürrem fut officiellement affranchie. A la suite de son affranchissement, Hürrem se convertit à l’islam et fit le choix de s’écarter du sultan Soliman, rappelant à ce dernier que toute relation sexuelle hors mariage était proscrite par sa foi. Face à cet éloignement et aux remarques de cette dernière, Suleiman le Magnifique demanda sa main et l’épousa, faisant donc d’Hürrem son unique épouse, brisant par là des siècles de tradition. En effet, jamais dans l’Empire Ottoman auparavant une esclave avait été élevée au rang de sultane. Dans les années qui suivirent, ensemble, ils eurent 4 garçons.
La relation entre Hürrem Sultan et son conjoint étant fusionnelle et les talents politiques de cette dernière étant reconnus, Hürrem Sultan commença à jouer un rôle politique centrale dans la vile politique de l’Empire Ottoman.
Ses talents de diplomate lui valurent notamment le titre d’Haseki, sultane consort. Elle sera la première à porter ce titre et permettra d’ouvrir la voie à une longue lignée de sultanes après sa mort. Conseillère principale de son époux, elle interviendra fréquemment dans les affaires d’Etat, et plus spécifiquement en politique étrangère où elle échangera avec d’autres souverains notamment pour négocier des terres. Elle tâchera également d’accompagner son conjoint lors de ses différentes tournées.
Son influence devint telle que sa présence au sein des affaires de l’Etat fut décisive. Tous ses talents et qualités firent d’elle l’une des femmes les plus puissantes de l’empire ottoman. Avec les budgets qui lui furent confiés, Hürrem Sultan devint également philanthrope en construisant des madrasas, des mosquées, des hammams et même des hôpitaux pour femmes là où le besoin se fit sentir. À Jérusalem et La Mecque, elle fonda de grands complexes caritatifs en capacité d’accueillir les pèlerins ou voyageurs. Grâce à cela, plus de 1000 personnes dans le besoin furent nourris et logés quotidiennement.
Parallèlement à ses implications politiques et caritatives, Hürrem se donna pour mission de construire un certain nombre de bâtiments publics dans les villes les plus visitées. Jusqu’à ses dernières heures, Hürrem Sultan milita pour plus de justice et d’équité au sein du sultanat. Son aura politique lui vallut d’une part un grand nombre de victoires politiques et diplomatique et d’autre part d’être reconnue dans le monde entier.
C’est en avril 1558 qu’elle décéda et fut enterrée dans un mausolée adjacent à celui de son conjoint, dans la mosquée portant son nom.
Retracer l’histoire de femmes musulmanes ayant remis en question l’ordre établi me donne force et espoir.
En lisant au sujet de Hürrem Sultan, en rédigeant sa biographie, un sentiment de quiétude me gagna.
Je nous imaginais, nous femmes musulmanes contemporaines unies et réunies partageant le même but commun : celui de questionner et d’argumenter pour obtenir plus d’équité et d’égalité au sein des institutions religieuses de nos pays.
Je nous imaginais nous organiser, nous replonger dans le passé pour construire un argumentaire si solide que personne, pas même une horde de « savants » misogynes, ne pourrait remettre en question.
En rédigeant l’histoire de Hürrem Sultan, cela me parut si accessible, si possible que je me perdis durant quelques minutes, heures dans mes pensées, à rêver de cette société, qu’ensemble nous pourrions créer !
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