TW : agression sexuelle en ligne, violences masculines
Ce vendredi 15 décembre, nous, militantes féministes antiracistes, chercheuse, médecin, avons organisé et participé à une table ronde sur le “syndrome méditerranéen” et le racisme médical en ligne sur la plateforme Zoom et retransmise sur les réseaux sociaux.
Ce temps qui devait nous permettre de réparer, de penser et d’en impulser d’autres a été transformé en un moment violent et traumatique pour nous et l’audience. Un homme présent a allumé sa caméra et s’est masturbé devant toutes les personnes présentes sans leur consentement et par surprise. Cette agression sexuelle dans l’espace numérique a duré environ une minute, nous avons signalé et bloqué l’agresseur. Nous avons également exprimé notre soutien envers les personnes présentes et replacer cette agression dans le contexte plus large des violences extrêmes auxquelles nous devons faire face en tant que militant-es engagé-es pour notre dignité.
Nous ne sommes en sûreté nulle part.
Nous sommes choquées, tristes, en colère de cette agression collective. Nous témoignons tout notre soutien aux personnes qui ont subi cette violence et sommes désolées. Nous prenons la parole aujourd’hui pour rappeler à toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles que rien ne justifie les violences qu’elles ont subi et qu’elles n’en sont pas responsables. Nous nous exprimons aujourd’hui car en tant que féministes nous ne tolérerons pas la mise sous silence, l’opprobre ou la honte imposées par le patriarcat et ses agresseurs.
Nous ne pouvons nous taire et normaliser ce qu’il s’est passé.
Cette agression montre encore une fois que nous, militant-es ne sommes en sûreté nulle part, en ligne ou hors ligne.
Nous ne le savons que trop bien : plus de la moitié des femmes âgées de 18 à 29 ansrapportent avoir reçu desimages explicites non sollicitées sur internet (Pew Research Center, ONLINE HARASSMENT 2017, Maeve Duggan). Cet agresseur, comme tous les auteurs de violences masculines, était là pour nous le rappeler, pour s’approprier cet espace qui ne lui était pas destiné et le transformer en un piège violent pour l’audience et pour nous-mêmes.
Nous savons que cette agression collective avait pour but de nous sexualiser et de nous réduire à des objets de domination. Cet agresseur a voulu nous imposer collectivement un climat menaçant, intimidant pour nous déstabiliser et nous faire arrêter la table-ronde ou le visionnage. Ce n’est pas un hasard si elle a eu lieu alors que des femmes créatrices de contenus en ligne et militantes prenaient la parole. Nous nous réunissions auprès d’une audience engagée pour réfléchir ensemble à un sujet qui les concerne et est vulnérabilisant. Nous comprenons les mécanismes à l’œuvre de cette agression atroce et misogyne et mais cela n’empêche qu’elle est particulièrement traumatique et qu’elle a un réel impact sur nos vies.
Nous mesurons la gravité de la situation : l’agresseur a choisi d’exercer ces violences après l’évocation de la mort d’une enfant, alors que nous avions proposé une minute de silence pour elle. Cette réalité morbide et déshumanisante devrait nous interpeller en tant que société.
Nous n’avons pas pu prévenir cette agression, jamais nous ne l’avions subi, jamais un tel cas n’avait été porté à notre connaissance. On ne peut jamais anticiper les violences que l’on va subir. Celles-ci sont inimaginables.
Nous avons pris contact avec les services de modération de Zoom et attendons évidemment leurs retours afin d’identifier l’agresseur.
Nous vous tiendrons au courant des suites légales et protocoles développées pour organiser ces temps différemment et au plus sûr possible, dans une démarche d’auto-défense collective.
Entre-temps, nous appelons les victimes à nous contacter si elles le peuvent, notamment si elles sont mineures : cela pourrait changer la qualification de l’agression. Nous nous tenons à leur disposition afin d’échanger avec elles et de recevoir leurs remarques ou questions. Merci.
Que dit la loi ?
Cette agression sexuelle dans l’epace numérique peut relever de l’atteinte sexuelle par surprise et donc s’apparenter à une agression sexuelle, punissable de 5 à 10 ans d’emprisonnement et de 75 000 à 150 000 euros d’amende.
“L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”
Lorsque ces envois de médias à caractère sexuel sont répétés (plus d’un envoi émanant de la même personne donc) ils peuvent s’apparenter au délit de harcèlement sexuel punissable de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
“Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.”
“L’infraction définie à l’article 222-27 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende : 6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique ”
Communiqué rédigé par Féministes contre le cyberharcèlement, Tant que je serai noire et Lallab.