Bénazir Bhutto, née au Pakistan en 1953, est la première femme à la tête de l’exécutif dans un pays musulman en devenant en 1988, Première ministre, et grand symbole féminin de pouvoir. Ce titre lui est conféré grâce à sa faculté de s’adresser à son peuple : elle a su trouver les mots et émouvoir sa communauté, à une époque où la place qu’occupaient les femmes dans le monde, sur le plan politique en particulier, était presque insignifiante. Le Pakistan, qui est encore aujourd’hui une société patriarcale, ne faisait malheureusement pas exception à cette règle.
Issue d’une riche famille pakistanaise, Bénazir a su se démarquer et devenir une femme de pouvoir. Profitant d’une opportunité, elle part, dès l’âge de 15 ans, faire ses études à l’étranger, aux Etats-Unis pour commencer, puis en Grande-Bretagne où elle rejoint la prestigieuse université d’Oxford. Engagée depuis son plus jeune âge dans des luttes progressistes qui la touchent particulièrement, elle crée un syndicat étudiant représentant les étudiants pakistanais. Cette ouverture sur l’international lui permet de rompre avec les traditions familiales – les jeunes femmes Bhutto vivant recluses dans leurs propriétés et ne bénéficiant que d’un accès restreint à l’éducation – mais elle n’oublie pas ses origines pour autant, et garde un œil sur les causes de lutte qui concernent directement son pays.
En 1976, elle rentre au Pakistan. Un an plus tard, son père est arrêté et emprisonné comme opposant au régime du Général Zia. Cet évènement va pousser Bénazir à mûrir prématurément, et elle entreprend, avec sa mère, de se battre pour libérer son père. Bien que placées elles-mêmes en résidence surveillée, elles luttent durant deux années pour sa libération. Mais leurs efforts restent vains, et l’homme meurt en martyr, exécuté après un procès de droit commun construit de toute pièce, le 4 avril 1979.
Bénazir et sa mère, déjà très affectées par la mort du père, sont victimes à leur tour de l’acharnement du Général Zia à leur encontre. Assignées à résidence, emprisonnées, elles sont maltraitées, affamées, battues, violées… Bénazir parvient à s’échapper au début des années 80, une pression exercée par les Américains lui permettant de partir en exil pour Londres.
C’est en 1988, quand Bénazir rentre au Pakistan, qu’elle se présente aux élections et est nommée Première ministre. Alors âgée de 35 ans, elle représente à la fois son peuple, de par ses origines et son vécu, mais aussi la culture occidentale, dont elle connaît la langue et les codes. En plus d’être la première femme musulmane à diriger un pays, elle est aussi une femme voilée. Cet aspect de sa personnalité lui a valu beaucoup de critiques, mais ne l’a pas empêché de devenir un symbole très inspirant de lutte et de révolte.
Cependant, le 6 août 1990, le Président la démet de ses fonctions, sous prétexte qu’elle est « incapable de tenir les rênes du pays ». Évidemment, puisqu’elle est une femme ! Malgré tout, elle ne baisse pas les bras, et revient en 1993 pour un second mandat qui va durer trois ans et à l’issue duquel elle sera à nouveau démise de ses fonctions. En novembre 1996, elle part à nouveau en exil.
En octobre 2007, après plus d’une dizaine d’années d’exil et malgré de nombreuses menaces de mort, elle décide envers et contre tous de regagner son pays, le Pakistan. Et c’est lors d’un meeting politique, au moment où elle prononce les mots « Longue vie aux Bhutto ! », qu’elle est assassinée, sacrifiée sur l’autel de ses convictions, le 26 décembre 2007.
Maryème Ben Mohamed
Diffuse la bonne parole