[Publié initialement le 20 mai 2019]
Aujourd’hui, grâce à la femme que je vous présenterai, nous parlerons d’art, de musique, et de spiritualité.
La femme dont je vais vous raconter l’histoire nous permettra de nous rappeler, ou juste de ne pas oublier, que la musique, la danse et l’art de manière générale occupaient une place importante dans les coutumes et mœurs des premier.e.s croyant.e.s de l’islam.
Elle nous permettra de nous rappeler que le développement de l’islam permit de donner naissance à un nouvel art. Un art à la fois élaboré à partir de musique arabe préislamique, marquée à travers le temps par des contributions perses, byzantines, turques, amazighs et maures. Une telle fusion de styles qui fut rendue possible grâce à la place que l’art et la culture occupèrent, grâce au soutien et à leur maintien par les plus grand.e.s qui, à travers le temps, souhaitèrent s’en porter financièrement garant.e.s
Alors, si l’art et la culture furent si centraux durant des décennies dans l’histoire de l’islam, comment se fait-il qu’aujourd’hui, lorsque l’on tape « Islam & musique » dans un moteur de recherche, la majorité des articles sur le sujet viennent nous expliquer que la musique, la danse ou encore le chant seraient nécessairement à bannir ?
‘Arīb al-Ma’mūnīya naquit en 797 dans la ville de Bagdad, dans l’actuelle Irak. Elle était la fille du vizir Ja’far al-Barmaki, membre des Barmakids, et de l’une des domestiques de la famille, nommée Fāṭima. Le statut illégitime qui fut le sien lui valut une enfance plutôt instable et difficile. Son père, Ja’far al-Barmaki, refusa catégoriquement de la reconnaître publiquement. Il survenait certes durant ses premières années à ses besoins, mais laissa sa mère Fatima se charger de l’ensemble de son éducation.
Très vite, la situation se compliqua pour elle lorsque, âgée de 4 ans, sa mère Fatima tomba gravement malade et mourut. Ja’far, informé de la situation et refusant d’abandonner son enfant, fit le choix de la remettre à une famille chrétienne, famille à qui il confia la mission de son éducation. En contrepartie, Ja’far s’engagea à payer mensuellement le montant qui lui serait demandé.
Au sein de cette famille, la vie d’Arib devint plutôt paisible. Durant cinq années, à leurs côtés, elle apprit à lire, à écrire et se découvrit une passion pour les arts.
Simultanément, la situation politique et économique devint de plus en plus compliquée pour les Barmakids et par extension pour son père. Plus le temps passait, plus Ja’far se voyait en difficulté pour rémunérer la famille qui accueillait sa fille.
C’est ainsi qu’au bout de quelques impayés, Arib fut vendue à un certain Al Marakibi qui l’emmena à Basra. Chez lui, elle servit quelques années, mais Al Marakibi, la voyant éduquée et intéressée, lui fit enseigner l’art de l’écriture et de la grammaire. Arib réalisa alors ses premiers pas en tant que poète et passa une grande partie de son temps à rédiger, à composer. Avec l’expérience et le temps, elle commença aussi à chanter.
Ses textes étant profonds et sa voix envoûtante, Arib se fit rapidement remarquer.
A l’âge de 17 ans, elle retrouva sa liberté et commença à travailler pour le compte de certains vizirs. Elle occupait alors leurs palais et, le soir ou durant les festivités, Arib chantait et partageait sa douce poésie. De nombreux vizirs s’arrachaient ses services si bien qu’elle fut très vite reconnue comme étant l’une des musiciennes les plus talentueuses d’Iraq.
Avec une renommée si grandissante, c’est le calife abbasside Al Mamun en personne qui demanda à la rencontrer. Fasciné par son charisme et son talent et en admiration devant son art, Al Mamun proposa à Arib de l’héberger à la cour en échange d’interventions lors de festivités, de soirées ou de cérémonies. Arib accepta et s’installa donc à ses côtés.
Au sein du palais, Arib fut grandement inspirée et productive. Rassurée de ne plus avoir à se questionner sur comment elle gagnerait sa vie, elle passait le plus clair de son temps à l’écriture de chansons et à leur compilation.
Elle écrivit durant ses années au palais plus de 1000 chansons et poèmes compilés en plusieurs volumes.
Symbole de son talent et de sa créativité, Arib servit, après Al Mamum, les 9 califes suivants. Elle mourrut sous le règne de Al Mutadid, à l’âge de 96 ans. Arib aura donc servi au cours de sa vie un nombre considérable de vizirs et 10 des califes abbassides. Vivant au sein même de la cour, elle fut la musicienne la plus connue et reconnue du IXème siècle.
L’histoire d’Arib, j’aimerais la partager à toutes ces femmes, ces passionnées qui à un moment de leur vie ont douté ; douté de la légitimité, de leur talent ; douté de la possibilité de pouvoir à travers leur art s’exprimer.
A toutes ces femmes, à qui l’on a dit qu’islam et art étaient incompatibles, à toutes ces femmes à qui l’on a expliqué que pour être une « bonne » croyante, il faudrait nécessairement qu’elles choisissent entre leur passion et leur religion.
Mesdames, dites-vous que l’art a toujours existé et que l’islam a contribué à le faire évoluer. Un nombre important de textes, d’écrits, d’histoires sont aujourd’hui présents pour nous le rappeler, pour souligner que la grandeur de l’islam s’est avant tout construite sur la grandeur de sa culture.
S’en séparer, c’est laisser de côté cette part de beauté, c’est oublier ceux et celles qui nous ont précédées.
Crédit image à la une : Charlotte. Charlotte est une illustratrice passionnée de dessin et notamment par l’univers de la mode. Je vous laisse découvrir son univers :
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