[Atelier d’écriture] Quête spirituelle

par | 19 mai 2021 | (Dé)construction, Ateliers d'écriture, Dossiers

Lallab organise en partenariat avec Amy Tounkara, écrivaine et fondatrice de La femme en papier des ateliers d’écriture mensuels exclusivement réservés aux femmes musulmanes.
Il était important pour nous de créer un espace de bienveillance et de libre parole dans ce climat sexiste, raciste et islamophobe généralisée. L’objectif aussi, à travers les écrits que nous publions, est de mettre en évidence d’un côté la singularité de nos parcours de vie, le fait que LA femme musulmane dont on entend tant parler dans les médias n’existe pas; et d’un autre côté l’universalité de nos récits.
Les ateliers d’écriture ont pour but de créer un espace bienveillant afin de rendre l’écriture accessible à toutes et permettre à chacune de reprendre la narration de son histoire.
C’est une occasion à la fois d’écrire, parce que l’écriture est un exutoire, une affirmation de soi et une possibilité de développer sa créativité. Mais aussi une occasion de partager ses expériences, de libérer sa parole sur des discriminations et de rêver ensemble.

 

Consigne : Ecrire une récit d’une quête spirituelle où l’héroïne confrontée à une information religieuse qui heurte ses valeurs

 

« Les hommes ont autorité sur les femmes. » C’est ce qui avait été donné comme explication à  Salma quant à l’opulence des mets pour la célébration de la naissance de son petit frère.  

La phrase de sa mère résonnait encore dans ses oreilles, alors qu’elle regardait le petit bébé. Comment cet être minuscule et geignard pouvait avoir autorité sur elle, lui qui ne pouvait rien  faire tout seul ! De ce fait, ce n’est pas un, mais deux moutons qui ont été sacrifiés en son honneur.  

En grandissant, Salma s’est toujours demandée comment Dieu pouvait aimer toutes Ses  créatures et en favoriser certaines par rapport à d’autres sur la simple base de leurs  chromosomes. Quelque chose ne faisait pas sens. Salma, en jeune fille spontanée, interrogeait  tout le monde. Hélas, elle n’obtenait aucune réponse satisfaisante. « C’est comme ça » lui  disait-on, « les hommes ont des faveurs que nous n’avons pas » renchérissaient certaines. La  fatalité avec laquelle les femmes sondées acceptaient leur sort la déconcertait.  

Salma ne baissa cependant pas les bras. Elle continuait sa quête et priait ardemment Allah  pour qu’Il guide ses pas dans le bon chemin : le chemin qui la rapprocherait de Lui. Elle ne  voulait pas être défavorisée, mise de côté dans sa foi.  

Un jour, alors qu’elle était assise dans la cour de la mosquée, découragée, un vieillard  s’approcha d’elle. « Ton cœur est triste dans la maison de Dieu ma fille, qu’est-ce qui peut bien  te chagriner de la sorte ? ». Salma leva les yeux et eut envie de pleurer. Le regard du Hadj était  emprunt de douceur, et son aura était réconfortante. Aussitôt, la langue de Salma se délia  inconsciemment. « J’ai peur que Dieu ne m’aime pas parce que je ne suis pas un homme. »  Pas le moins du monde surpris, le vieillard esquissa un faible sourire et s’assit à côté d’elle  malgré ses genoux récalcitrants.  

« Pourquoi Dieu ne t’aimerait pas, parce que tu es une femme ? » Lui demanda-t-il.  « Car je n’ai aucune autorité, aucune valeur ! » S’exclama Salma, en larmes.  

« Mon enfant, la valeur du croyant ne se mesure qu’à trois choses : sa foi, son savoir et son  comportement. À aucun moment, il n’est question de ta condition d’homme ou de femme, de  ta richesse ou ta pauvreté, de ton nom de famille ou de ton origine. Ton amour pour Dieu, ta  quête de savoir et tes actions sont les seuls éléments qui te permettront de t’élever ici-bas. »  

Salma sentit ses entrailles remuer et son estomac se nouer. Ses larmes ne tarissaient pas.  

« Quant à cette question d’autorité, Dieu a incombé des responsabilités aux hommes. Il ne  s’agit pas là de supériorité de l’homme, mais bien de devoir. Les hommes doivent protéger les 

femmes, veiller à leur bien-être. Peu après la mort du Prophète (SAW) béni, des hommes  dissidents ont voulu porter atteinte à l’honneur d’une femme. Ils ont pour cela accroché sa  robe sans qu’elle ne s’en aperçoive, pendant qu’elle faisait ses courses au marché. Si bien que  lorsqu’elle s’avança, son habit se déchira laissant paraître sa nudité. Les hommes de sa  communauté levèrent une armée pour elle. Tu vois, en Islam tout est question d’équité. Nous  avons des droits sur vous et vous avez des droits sur nous. Dieu, manifestation de la Vérité,  n’aime pas l’injustice. »  

Un ange passa. Le silence était à son paroxysme. Salma, se sentant plus légère, avait  l’impression de s’élever et de toucher les nuages. Elle resta un long moment bouche bée et le  regard dans le vide. L’instant vague et nuageux dissipé, elle revint à elle. Le vieillard n’était plus  là, mais ses pas résonnaient encore dans la mosquée.  

Désormais, rien ni personne n’entraverait son cheminement spirituel. 

 

Crédit photo : Lallab

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