L’histoire fut écrite par des hommes pour les hommes… Ceci n’est plus à prouver.
Et pourtant, s’il reste bien une chose à prouver et dont le défi mériterait d’être relevé, c’est de rappeler que l’histoire fut bien souvent faite par des femmes, des héroïnes, des pionnières, des inspiratrices ayant par leurs visions et actions, changé le cours de l’histoire et des destinées humaines.
Zaynab Nafzaouia, femme influente berbère des débuts de l’empire des Almoravides contribuera à la construction de l’empire almoravide et à son expansion. Aujourd’hui nous marcherons sur les pas de l’une des femmes les plus stratèges, intelligentes et ambitieuse du XIème siècle.
Issue de la tribu berbère Nafzāwa, Zaynab naquit à Aghmat en 1039 dans un petit village niché dans la vallée de l’Ourika, vallée située au pied de l’Atlas marocain. Fille d’un riche marchand de Kairouan nommé Isha Houari, elle reçut très tôt une éducation avancée. Elle apprit à lire puis à écrire et développa une passion pour la lecture. Sociable, elle manifesta très tôt une intelligence hors norme et montra une soif de savoir. Son attirance hors pair pour les débats politiques fit très vite d’elle une femme admirée et fréquemment demandée.
C’est ainsi que Youssef Ben Ali, chef des tribus berbères Wurika et Aylana situées près de Ghmate, demanda sa main et l’épousa. Cependant, après quelques années de mariage, insatisfaite, elle demanda le divorce. D’autres versions nous disent que son époux n’ayant guère apprécié ses ambitions et son audace l’aurait répudiée.
Dans la foulée, Naynab épousa Luqut al Maghrawi, émir de Ghmate, mais quelques mois plus tard, il mourut au combat contre les envahisseurs Almoravides et lui léguèrent l’ensemble de sa fortune. Dans le contexte des batailles incessantes, Zaynab fut finalement capturée. Butin de guerre, elle devint esclave dans le Harem de Abou Bakr alors souverain. C’est après quelques années qu’il fit le choix de la libérer.
Malgré la multitude des demandes reçues, c’est vers le cousin de Abou Bakr, qu’elle se retourna. Youcef ibn Tachfin partageait avec le souverain Abou Bakr un certain nombre de terres. Youcef devint donc son quatrième époux. Malgré une différence d’âge notable de 27 ans, il n’en reste pas moins qu’il fut son premier grand amour.
Lorsque Zaynab et Youcef se marièrent, le Maroc n’était qu’un petit royaume divisé. Mais ensemble, ils rêvent de conquêtes et d’expansions.
Zaynab devint la principale conseillère politique de son mari, l’encourageant à se déclarer unique dirigeant des Almoravides. Sa richesse, ses talents de diplomate, ses liens tribaux et sa perspicacité politique contribuèrent grandement à l’établissement et à l’expansion de l’empire almoravide. Sur les conseils de cette dernière, redoutable stratège et conseillère avisée, ils parvinrent à étendre leur empire, un empire s’étalant sur la côte Atlantique, allant de de la Méditerranée au Sénégal en passant par l’Andalousie. En quelques années, l’expansion fut incroyable.
En 1062, alors que les conquêtes s’accélaient et que Youcef s’en allait en guerre, Zaynab s’activa dans la conception des plans d’une nouvelle ville qui contribuera à l’expansion du royaume et à celle du Maroc. Elle trouva l’emplacement qui lui semblait être le plus stratégique, situé au carrefour de différentes grandes cités, en dessina les plans et en choisit le nom : Marrakech, terre de Dieu.
A ce titre, de nombreux chroniqueurs tels que Ibn al-Athit, Ibn Abī Zar ou encore Ibn Khaldūn louèrent l’intelligence de Zaynab, rappelant quelles furent ses ambitions. Ils soulignent qu’elle joua un rôle public de premier plan dans la politique almoravide. Au retour de son mari, tous deux s’attelèrent à la construction de la ville de Marrakech en respectant soigneusement les plans élaborés auparavant par son épouse, Zaynab Nefzaouia.
La ville finalisée contribua comme imaginée au développement de leur royaume. Sous leur règne, la civilisation almoravide connut son apogée.
En 1106, Youssef mourut et transmit le pouvoir à l’un de leurs deux fils, Ali. Chagrinée de son décès, Zaynab resta dans la solitude jusqu’à la fin de ses jours en 1117. Après leur mort, l’empire almoravide déclina.
Zaynab restera célèbre et appréciée pour son génie politique, sa capacité à avoir gouverné aux côtés de son époux. On l’appela Malika, la reine ou encore Al qa’ima bi mulkihi, celle qui s’occupe du royaume de son mari, tant elle s’impliqua dans l’exercice politique.
D’autres oseront même la surnommer la magicienne en raison de son habilité à marchander, parlementer et débattre avec efficacité.
Si la ville de Marrakech doit son existence et son charme à une personne, c’est bien à Zaynab Nefzaouia que cela doit revenir. Des siècles avant que la ville ocre ne devienne si appréciée et si visitée, une femme avait déjà imaginé le destin qui lui serait réservé.
Figure emblématique de l’histoire du Maroc, Zaynab est l’une de ces femmes teintées d’audace et de perspicacité, l’une de ces femmes dont les visions dépassent l’imagination, l’une de ces femmes ayant contribué au développement de toute une civilisation. Son histoire est exemplaire, elle permit notamment de faire évoluer les mœurs dans le Maroc almoravide. Permettant ainsi aux princesses de participer aux affaires publiques, aux femmes d’enseigner en toute liberté et de ne plus être limitées dans leur choix professionnel.
Si Zaynab permit tout cela de son vivant, peut-on imaginer que son histoire nous permettra aujourd’hui d’en revendiquer tout autant ?
Crédit image à la une : Et pour l’illustration, l’on dira un ENORME MERCI, aux 3 fabuleuses soeurs du collectif Sist’art qui nous ont fait une fois de plus l’honneur de collaborer ! Pour découvrir leur univers, rendez vous sur instagram : @taekanddoart et @sistart.comics
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