[Publié initialement le 16 mai 2019]
Lorsque j’ai entrepris ce projet, j’avais pour objectif d’apporter à mes lecteur.rice.s une bonne dose d’inspiration, ainsi qu’une pincée de savoir, le tout pour les faire se questionner sur les notions d’égalité et d’équité en islam.
Cependant, je n’avais pas prévu d’y ajouter de mon côté, une poignée de frustrations. Lorsque j’ai commencé le projet, mon premier travail fut d’effectuer une sélection de femmes musulmanes inspirantes, puissantes, fascinantes ayant marqué leur temps. De toutes les découvrir fut pour moi une révélation. Une fois cette première sélection réalisée, j’ai rédigé mes mini biographies avec la volonté de multiplier les recherches et données à leur sujet.
Mes frustrations virent le jour lorsque j’ai commencé à rédiger et lorsque j’ai pris conscience de la difficulté que c’était de trouver de l’information de qualité à leur sujet. La femme dont je vais vous parler faisait partie de celles qui me semblaient essentielles. Pourtant, lorsqu’il s’est agi de développer mes recherches à son sujet, les sources furent extrêmement limitées. Difficile, voire presque impossible, de retracer et conter sa vie et son parcours avec des sources essentiellement francophones et anglophones.
Ma plus grande frustration fut d’être confrontée à un nombre important de données au sujet des hommes qu’elle a formés. Son nom y est constamment cité mais elle n’est en réalité que vaguement racontée.
Face au manque de données à son sujet, j’aurais pu choisir de ne pas vous en parler mais j’ai malgré tout décider de conserver son histoire et de vous la présenter dans une version plus limitée.
Aujourd’hui, je vous emmène dans le Damas du XIVème siècle découvrir Zaynab bint Ahmed, professeure émérite.
C’est au début du XIVème siècle que naquit Zaynab bint Ahmed dans la ville de Damas.
La période durant laquelle elle vécut ne fut pas des plus aisées. En effet, durant ce temps, une série de raids et de tentatives d’invasions fut portée par les Mongols contre la Syrie. En 1260, la ville d’Alep tomba, puis en 1300 il en fut autant pour la ville de Damas.
Malgré cela, Zaynab, mariée à l’homme d’Etat de Balbeek, Nasir Ad Din ibn Qarnin, répartit son temps entre l’enseignement et l’aide aux plus démuni.e.s.
Appartenant à l’école de jurisprudence hanbalite, elle avait acquis grâce au travail de lecture et d’apprentissage, qu’elle avait très tôt réalisé, un certain nombre d’ijazas dans des domaines divers.
Ces ijazas équivalent à des diplômes qui lui conféraient le droit d’enseigner les sciences islamiques. C’est ainsi que très vite, elle devint l’une des érudit.e.s musulman.e.s les plus éminent.e.s du XIVème siècle.
Au sein des mosquées ou durant des cours privés, elle enseignait à ses élèves l’apprentissage du Coran et l’analyse d’ouvrages perçus comme étant essentiels en islam. Elle maîtrisait et enseignait notamment des ouvrages tels que le Sahih Bukhari et le Sahih Muslim, deux des six grands recueils de hadiths. Ces recueils comprenaient l’ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles de Muhammad et de ses compagnons, le Muwatta de Malik, l’une des premières rédactions de la loi musulmane, compilée et éditée par l’Imam Malik, le Sharh Ma’ani al Athar d’Al Tahawi ou encore le Shaha’il du savant Al Tirmidhi.
Son grand savoir lui valut d’être profondément respectée et d’être souvent questionnée. Ainsi de grand.e.s savant.e.s l’approchaient dans l’optique de lui commander des relectures de leurs ouvrages.
Les personnes qui souhaitaient la côtoyer et l’écouter parcouraient parfois plusieurs milliers de kilomètres pour venir se former auprès d’elle. Parmi ses élèves figuraient des hommes et femmes ayant aujourd’hui acquis une certaine notoriété. On peut notamment citer le célèbre voyageur nord-africain Ibn Battuta, l’historien al Dhahabi, le théologien et juriste Hajar Al Asqalani ou encore l’expert du hadith et du fiqh Tal Al Din Subki.
En constant accord avec ses enseignements, Zaynab était également une femme juste et généreuse. De son vivant, elle fit construire en son nom plusieurs hospices afin d’accueillir les personnes dans le besoin, et en fin de vie, elle fit le choix de léguer ce qu’elle possédait sous forme de dotations religieuses afin de contribuer au développement de l’enseignement religieux. En 1300, alors que les attaques mongoles s’intensifiaient à Damas, Zaynab s’en alla.
En finissant de rédiger la biographie de Zaynab, j’étais quelque peu désolée et attristée. Désolée de ne pas en avoir dit assez et attristée de finalement n’en savoir que si peu à son sujet.
Lorsque l’on sait l’ampleur des enseignements qu’elle a pourtant donnés, lorsque l’on voit les grands noms qu’elle eut la capacité de former, lorsque l’on sait le rôle qu’elle a occupé dans sa ville, on ne peut qu’être chagriné.e !
Lorsque je sais que les livres des étudiant.e.s qu’elle a formé.e.s sont lus quasi quotidiennement un peu partout dans le monde, je ne peux m’empêcher de penser que si elle avait été un homme, alors son nom serait certainement placardé partout.
J’aurais tant aimé avoir la capacité de faire un bond dans le passé pour m’asseoir à ses côtés et précieusement collecter et noter les informations à son sujet.
J’ose encore espérer que mes recherches ne furent pas assez poussées et qu’un jour je parviendrai à rendre à Zaynab un petit peu de ce qu’elle a donné.
Alors si l’un.e d’entre vous en sait plus sur son histoire, je serais ravie de le savoir pour rectifier cette biographie et lui rendre un hommage un petit peu plus marqué.
Crédit image à la une : nihad.me
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