Quand je pense au « racisme anti-Blanc », ça me fait un peu penser aux licornes. Ils sont tous les deux à la mode, ressemblent tous les deux à quelque chose qui existe bel et bien, mais… comment dire, il ne suffit pas d’ajouter une corne en plastique à un cheval blanc pour en faire une licorne. Je sais que cette annonce va faire beaucoup de remous et briser quelques cœurs – et pas seulement du côté des petits enfants qui espéraient voir un animal magique à leur prochaine sortie en forêt.
Je précise tout de suite : je ne dis pas qu’il n’existe aucune manifestation d’hostilité envers les Blanc·he·s. Moi aussi, je suis tombée sur des tweets affligeants, par exemple. Ce que je dis, c’est que le terme de « racisme » est inapproprié, car il donne l’impression trompeuse que les vécus des personnes blanches en France sont comparables à ceux des minorités ethnicisées. Voyons en quelques points en quoi les deux situations ne sont pas assimilables, comme l’expliquent depuis des années des militant·e·s comme João Gabriell ou la youtubeuse Naya Ali.
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Le racisme dénoncé par les personnes blanches prend seulement la forme d’actes interpersonnels
Quand on parle du supposé « racisme anti-Blanc », ce qu’on entend principalement, c’est : « On m’a traité·e de « sale Blanc·he » », ou bien « Il y a des tags « Nique les Blancs » ». Il n’est pas étonnant que cela suffise à certain·e·s pour parler de « racisme inversé » (oubliant au passage la légère différence de proportions), car on a réduit le racisme à son expression la plus simple, le racisme individuel. Merci notamment aux dictionnaires, qui ne sont pas les livres objectifs qu’on voudrait nous faire croire, mais le reflet de la perception des dominant·e·s qui les ont écrits. Cette conception du racisme domine également la majorité des associations les plus institutionnalisées, qui limitent l’antiracisme à la lutte contre des comportements de méchant·e·s racistes, évidemment d’extrême-droite.
Or, comme le rappelle le sociologue Fabrice Dhume, « (…) le racisme n’est pas une question, comme on le croit souvent, d’individus racistes qui commettraient des actes moralement ou juridiquement condamnés ». Il s’agit d’un ordre social hiérarchisé, qui implique des privilèges pour les un·e·s – même si ils·elles n’en veulent pas ou ne s’en rendent pas compte – et des torts pour les autres. Parler de racisme en France, cela implique donc autre chose que des insultes ou des moqueries.
Ceci n’est pas une licorne. / Crédit : Universal Pictures
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Les Blanc·he·s ne subissent pas les discriminations systémiques que vivent les minorités
L’antiracisme politique propose une autre lecture du racisme, en tant que phénomène structurel et systémique. Cela signifie que les personnes non-blanches vivent des discriminations répétées qui affectent leur accès aux droits les plus fondamentaux, comme le logement, l’emploi, l’éducation, les soins, etc.
Ce que ne vivent pas les personnes blanches en France, contrairement aux personnes issues de minorités, ce sont les rejets répétés ou les traitements inégalitaires pour obtenir un logement, trouver un emploi, se faire orienter vers la filière désirée, bénéficier de soins médicaux, accéder à des lieux de loisirs, etc. Dans son enquête sur le « racisme anti-Blanc », l’Institut national d’études démographiques (INED) conclut que ce racisme « ne produit pas d’inégalités sociales » et « ne se matérialise pas par une privation de droits ou d’accès à une ressource ».
Je précise à toutes fins utiles que les événements organisés de manière autonome par des personnes non-blanches ne sont pas « interdits aux Blanc·he·s » et ne constituent donc pas du racisme. Pour les réunions en non-mixité, vous pouvez toujours (re)lire notre article dédié.
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Un·e Blanc·he peut être lésé·e dans ses droits, mais pas EN RAISON de sa couleur de peau ou de son origine
Evidemment, cela ne veut pas dire que tou·te·s les Blanc·he·s sont immunisé·e·s contre toute difficulté et vivent comme des pachas. Seulement, ce qui explique leurs difficultés, ce n’est pas leur couleur de peau ou leur origine, mais d’autres critères de discrimination.
On ne se verra pas refuser un emploi, un logement ou un service de base en France parce qu’on est blanc·he, mais parce qu’on est obèse, en situation de handicap, trans, qu’on a des ressources modestes, etc. D’où la nécessité de penser les luttes de manière intersectionnelle, en prenant en compte les différents facteurs de discrimination.
Cher·e·s Blanc·he·s : personne ne dit que votre vie ne peut pas être difficile si vous êtes blanc·he, mais si elle est difficile, ce n’est pas parce que vous êtes blanc·he
Crédit : capture d’écran Twitter @kvxll
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Les Blanc·he·s en France ne font pas l’objet de discriminations de la part de l’Etat ou des institutions
Le racisme en France est aussi institutionnel, c’est-à-dire que des discriminations sont perpétuées par les institutions et l’Etat lui-même. Des enquêtes répétées, y compris par le Défenseur des droits, montrent notamment des discriminations autour des contrôles policiers au faciès – pour ne citer qu’un exemple.
Autre cas, celui du racisme véhiculé par les représentant·e·s de l’Etat, comme lorsque Brice Hortefeux, alors Ministre de l’Intérieur, déclarait en 2009 à propos des Arabes : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », ou encore lorsque Manuel Valls affirmait en 2013 que la proximité de campements roms provoquait une augmentation de la délinquance.
Il serait tout simplement malhonnête d’affirmer que des discriminations ou des déclarations similaires touchent les Blanc·he·s.
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Les Blanc·he·s ne vivent pas les conséquences du racisme que connaissent les personnes issues de minorités
Combinez les agressions verbales et/ou physiques dès le plus jeune âge, les discriminations dans des droits fondamentaux, l’expression du mépris de la part même des institutions – y compris l’école -, et vous obtiendrez un terreau particulièrement fertile pour l’auto-détestation de nombreuses personnes non-blanches et le rejet de ce qui fait leur identité. Mais dites-moi si certain·e·s Blanc·he·s détestent leurs cheveux lisses parce qu’ils·elles auraient aimé qu’ils soient crépus, portent des lentilles pour avoir les yeux marron, changent de prénom pour s’appeler Fang ou Rakesh, ou ont honte de porter des jeans et se sentent obligé·e·s de porter des djellabas…
Dites-moi aussi si les personnes blanches en France sentent sur leurs épaules le poids de la responsabilité, car elles savent que chacune de leurs actions sera reprochée au groupe auquel elles appartiennent. Ou si chaque fait divers impliquant une personne blanche alimente les préjugés et la haine envers les Blanc·he·s.
Laissez tomber, je connais la réponse.
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On ne peut pas expliquer toute agression d’une personne non-blanche envers une personne blanche par une question de couleur de peau
Pour illustrer le « racisme anti-Blanc », on met souvent en avant des actes de violence de personnes noires, maghrébines, etc., envers des personnes blanches, comme si la couleur de peau était le seul facteur d’explication possible. Dommage, mais il ne suffit pas d’affirmer qu’il s’agit de « racisme anti-Blanc » pour que cela aille de soi, sans prendre la peine de décrire ou prouver en quoi ces faits sont dus au fait que la victime était blanche.
Il ne suffit pas non plus de faire un montage avec trois photos sorties de leur contexte pour affirmer qu’il s’agit d’un phénomène de masse, sans apporter de sources ou de chiffres pour étayer cette affirmation. Au contraire, l’enquête de l’INED précitée affirme que le racisme anti-Blanc n’a « pas le caractère d’une expérience de masse ».
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L’existence ou la présence de minorités en France ne correspondent PAS à du racisme anti-Blanc
Pour certain·e·s, la présence même de minorités ethnicisées serait en fait une preuve que les Blanc·he·s sont en danger, et même une volonté raciste de les éradiquer à coups de mariages mixtes et de gènes dominants (*insérer générique de X-Files*). Ils·elles semblent ainsi oublier que la présence de minorités est principalement due au passé colonial de la France et à son recrutement en masse de main-d’œuvre dans ses (anciennes) colonies.
Une illustration de ce « Grand Remplacement » serait que les Blanc·he·s ne peuvent soi-disant plus aller dans certains quartiers. Bon, on note certes quelques incidents où des individus avec de la peinture sur le visage sacrifient des personnes blanches sur un bûcher en faisant des danses tribales autour d’elles, mais pas de quoi en faire tout un plat, quoi.
Dans ce gloubi-boulga, certain·e·s ont aussi du mal à faire la distinction entre la haine des Blanc·he·s et les critiques ou insultes envers la France, certains conflits géopolitiques dans le monde, ou même la construction de mosquées en France :
Crédit : France Nation (qui ne précise pas si Carole est la petite fille en photo, qui serait donc particulièrement précoce)
… Elle dit qu’elle voit pas le rapport.
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Le racisme anti-Blanc est généralement utilisé par des personnes ou des mouvements qui s’opposent aux luttes antiracistes
On pourrait maintenant penser que parler de « racisme anti-Blanc » revient, au pire, à utiliser un même mot pour désigner une réalité qui est simplement différente. Or, l’utilisation du même terme donne l’impression trompeuse que les minorités ont finalement des vécus semblables à ceux des populations blanches, tout autant victimes de racisme.
Il est aussi intéressant de noter que ce concept est majoritairement défendu par des mouvements identitaires ou des idéologues qui remettent systématiquement en cause les dénonciations de racisme qui émanent de personnes issues de minorités, leur reprochent de « se victimiser », voire véhiculent des discours de haine à leur égard. Difficile, donc, de ne pas voir ce concept comme un outil pour décrédibiliser les luttes antiracistes et désigner les Blanc·he·s comme les victimes des immigré·e·s et de leurs descendant·e·s « barbares ».
Conclusion : « Si tu veux ma place, prends aussi mon handicap »
Tout cela me fait penser à ces panneaux qui ont pour but de dissuader les personnes valides de se garer sur des places de parking réservées aux personnes en situation de handicap. Si vous voulez vous dire victimes de racisme, prenez donc TOUT ce qui va avec et renoncez à vos privilèges. Ensuite seulement, nous pourrons parler de « racisme inversé ».
Dommage qu’il ne suffise pas de proclamer l’existence d’une chose pour qu’elle existe, parce que nous aussi, on aimerait bien qu’à force de répéter le mot « licornes », elles deviennent réalité…
Merci à Lina et Justine pour leur précieuse relecture !
Crédit image à la une : Organisation de Lutte contre le Racisme Anti-blanc
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