Huda est une états-unienne de trente-deux ans. Ses parents, venus du Moyen-Orient, vivent dans ce pays depuis les années 80. « Les Etats-Unis, c’est mon pays, celui où je suis née et où j’ai grandi “, affirme-t-elle. Huda a toujours été passionnée par l’écriture. En 2017, quelques mois après l’élection présidentielle de Donald Trump, Huda se met à partager sur les réseaux sociaux la vie d’une musulmane aux Etats-Unis sous forme d’un comics (bande dessinée) intitulé « Oui, j’ai chaud là-dedans » (Yes I’m hot in this), en référence à son foulard.
Bien que pouvant bénéficier d’une bourse, Huda a choisi de ne pas poursuivre ses études en droit pour se consacrer à l’enseignement de l’anglais, sa matière de prédilection dont elle est diplômée. Elle a exercé ce métier durant huit ans, avant de s’accorder une pause professionnelle pour profiter de la naissance de son premier enfant.
L’élection de Donald Trump, un tournant majeur
Huda a supplié sa mère de la laisser porter le foulard dès ses dix ans et a ressenti beaucoup de liberté grâce à celui-ci. « Ce foulard me semblait très naturel, c’est comme si j’étais faite pour ça ! Cela fait maintenant vingt-deux ans que je le porte et je ressens exactement la même sensation », confie-t-elle avec enthousiasme. Ce changement a été tout-à-fait accepté et ne lui a causé aucun préjudice, personne ne s’étant inquiété de ce choix vestimentaire.
« J’adore être Américaine. J’adore être musulmane en Amérique. Ici, je peux pratiquer ma religion tout en sachant que ce droit m’est accordé et que je suis protégée », soutient-elle, le ton patriotique. Huda précise néanmoins que ce pays présente malheureusement des imperfections, à l’instar de tous les autres. « Pourtant, je ne peux pas vraiment exprimer à quel point j’aime ce pays. C’est mon pays et c’est chez moi », insiste-t-elle, émue.
Crédit image : Yes, I’m hot in this. « Les musulmans dans les films : elle voulait vivre le rêve américain, mais Trump a été élu ». Le terme « scarfie » désigne des étudiant·e·s en Nouvelle-Zélande portant un foulard par tradition. « Scarfieface » est un jeu de mots en référence au film Scarface.
« Pourtant, je ressens un changement à cause de la rhétorique ignorante et irresponsable de l’administration du président Donald Trump. » Ce sentiment désagréable a incité Huda à produire quelque chose de nouveau, ce qu’elle n’avait jamais spécialement souhaité auparavant. « Aujourd’hui, je ressens le désir et l’envie de m’exprimer. »
Depuis l’élection de Donald Trump et la hausse des actes racistes, notamment islamophobes, Huda a souvent peur de sortir seule. Elle est épuisée par les inconnu·e·s qui la dévisagent ou qui se permettent des commentaires indécents, voire insultants. « Je me demande souvent, avant de sortir, si aujourd’hui est le jour où l’on m’attaquera », avoue-t-elle. Huda ne se laisse cependant pas envahir par la peur. Bien que cette dernière soit présente, l’illustratrice affirme : « Allah ne m’imposerait jamais une épreuve que je ne pourrais pas surmonter ». Le fait de dessiner lui permet également de canaliser ses émotions.
Crédit image : Yes, I’m hot in this.“ – Hey, madame ! N’avez-vous pas chaud ? – Oh mon… Laissez-moi y réfléchir. Vous savez quoi ? Je pense être plus « mignonne » que « sexy » (chaude), mais merci. Hihihi – Euuuh…“
Les bandes dessinées, un moyen de changer les mentalités
« J’ai toujours aimé gribouiller, bien que je n’aie jamais été du genre à me définir comme une artiste. Encore aujourd’hui, je dirais que je suis plus une auteure qu’une illustratrice », explique Huda avec modestie. Elle a commencé sa bande dessinée « Yes, I’m hot in this » en mars 2017. Elle décrit ses débuts comme seulement composés de « crayon et papier, dessins scannés et postés sur [s]on profil Facebook personnel ». Ses proches l’ont encouragée à créer une page publique consacrée à ses dessins sur ce même réseau social, et « c’est ainsi que ça a commencé ». Ses bandes dessinées ne la concernent pas toujours directement. « Parfois, je dessine selon l’actualité et j’essaie d’imaginer la façon dont mon personnage réagirait si les mêmes choses lui arrivaient. Que dirait-elle ? Que ferait-elle ? Je m’amuse beaucoup en imaginant différents scénarios ».
Son projet est inspiré de comptes Instagram qu’elle suit de temps à autre. Huda a toujours beaucoup apprécié les bandes dessinées. Cet intérêt s’est renforcé lorsqu’elle est tombée à plusieurs reprises sur des dessins représentant une femme visiblement musulmane en raison de son voile, mais dont l’appartenance religieuse n’était pas le sujet de l’histoire. Cette dernière faisait des choses banales et « j’ai adoré ça », affirme-t-elle. « Ça a éveillé en moi le désir de voir plus de femmes portant un foulard représentées de cette façon. »
Crédit image : Yes, I’m hot in this. « Hmmmpff. Je n’ai pas de force dans la partie supérieure de mon corps. Je. Ne. Vais. Pas. Appeler. Le mari. J’y arrive. Je crois que je vais péter.Le jihad est réel. #Monjihad »
« Le but ultime de mes dessins est de montrer une femme musulmane portant le voile à l’avant-garde de notre culture, dépeinte telle qu’elle est et ne correspondant pas à un stéréotype surjoué et dangereux », explique l’illustratrice. Huda souhaite que nous puissions tous et toutes considérer ces femmes, qui n’ont en commun que leurs choix vestimentaires, comme des femmes uniques, maîtresses de leur propre vie. L’ancienne professeure d’anglais considère que « ces femmes sont drôles. Ces femmes sont créatives. Et surtout ces femmes sont là ».
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