Comme je l’expliquais dans la première partie de ce best of, en seulement 3 mois en tant qu’auteure chez Lallab, j’ai eu l’occasion de découvrir à quel point les gens peuvent être imaginatifs dans les commentaires. Vous ne voyez pas toutes les perles qu’on reçoit, alors je partage généreusement quelques-unes de celles que j’ai reçues sur mes articles. Une chose est sûre, elles prouvent qu’on a encore du boulot…
1. Ceux qui veulent décider à ta place de ce que tu vas écrire, et de comment tu dois le faire
A quand un long article (…) au sujet des femmes et filles que leur entourage, ici en France, oblige à porter ce voile maudit ? (…) Merci d’avance.
Chez Lallab, c’est parole aux concerné.e.s ; or, aucune femme concernée ne nous a proposé d’article à ce sujet. Je ne vais pas non plus le sortir de mon chapeau, puisque ce n’est pas une situation que j’ai vécue, ni que j’ai observée autour de moi. Donc désolée, il faudra passer ta commande ailleurs – mais est-elle vraiment nécessaire, étant donné que 99% des médias français ont déjà exaucé ton vœu depuis longtemps, et sans s’intéresser à l’autre pendant ?
J’aurais été bien plus touché et plus émotif si elle avait choisi une démarche pacifique et explicative, que si elle avait choisi ce ton moqueur, puéril et ironique. (…) Comment cela peut-il me donner de l’empathie envers elle et ce qu’elle vit si elle m’agresse, moi, lecteur, qu’elle ne m’explique même pas en détails POURQUOI précisément elle porte le voile
Voilà, pour UNE fois dans ma vie, je réponds à celles et ceux qui veulent m’imposer leur opinion sur le hijab, je me permets un MILLIEME de l’agressivité et du mépris que je me suis pris dans la face, mais c’était quand même la fois de trop. Apparemment, j’aurais dû serrer les dents, sourire (de manière crispée), et continuer à me justifier pour qu’il soit « touché » et « émotif » (il n’a pas non plus compris que ce n’était pas franchement mon but dans l’article).
Mais il faut le comprendre, tant que je n’aurai pas étalé au grand jour les raisons intimes pour lesquelles je porte mon foulard, comment les autres pourraient-ils ressentir de l’empathie par rapport à ce que je vis ? Les deux sont bien évidemment liés.
2. Ceux qui veulent te libérer tout en t’expliquant comment vivre ta vie
Certains lecteurs de Lallab sont de fervents adeptes du mansplaining, cette explication faite avec condescendance par un homme à une femme, sur ce qu’elle devrait faire ou non. Par exemple, certains hommes vont jusqu’à me dire que je dois me libérer du sexisme, tout en m’expliquant d’une manière bien infantilisante comment je dois le faire. Je crois qu’ils ne voient pas le cocasse de la situation.
Les femmes devraient réfléchir en leur for intérieur sur les raisons qui les poussent à se cacher les cheveux. [Mais c’était donc ça ! J’avais oublié d’y réfléchir !] Oui, clairement le sexisme. Mais pour lutter contre, ne tombez pas dans le piège de la religion qui ne fait que perpétuer le sexisme patriarcal (…) Luttez avec les bonnes armes, mais pas avec la religion… Elle est un piège dans lequel d’autres vous demandent de tomber…
C’est vrai quoi, si Alain me le demande, je ne peux quand même pas lui faire ça… Plus sérieusement, Alain, c’est bien gentil de te soucier de nous, mais la vie n’est pas faite de choix binaires, et on n’a pas attendu ton intervention pour trouver notre propre voie, loin des injonctions de n’importe quel homme qui voudrait nous dire comment mener notre vie.
3. Ceux qui n’ont pas trop de temps à perdre à argumenter, mais qui veulent quand même bien t’éclairer de leurs lumières
La religion est une forme de domination alors que vous portiez ou non le voile, vous resterez toujours soumises – M.
Eh bien merci pour cette intervention salvatrice qui me montre la voie vers la libération… et bonne journée à toi aussi, M. !
4. Ceux qui savent mieux
Je pense qu’elles [les femmes et filles que leur entourage, ici en France, oblige à porter ce voile maudit] sont plus nombreuses que les femmes voilées qui seraient ostracisées.
Alors certes, j’ai inséré un lien vers un article qui s’appuie sur les chercheurs.ses qui étudient la question en France et qui affirment que c’est exactement le contraire, mais quel poids cela a-t-il quand l’auteur du commentaire « pense » qu’elles sont plus nombreuses ?
J’apprécie également l’emploi du conditionnel dans « seraient ostracisées », comme s’il était encore à prouver que les femmes qui portent le hijab sont discriminées et exclues de nombreux domaines.
D’ailleurs, si les « femmes forcées par leur entourage » sont plus nombreuses que les « femmes ostracisées », est-ce que ça veut dire que ces deux catégories sont distinctes ? Les femmes forcées par leur entourage seraient-elles immunisées contre les discriminations ?
5. Ceux qui ont besoin d’un peu plus d’amour et de licornes dans leur vie
Ce sont les aigri.e.s qui doivent taper sur leur clavier avec de la bave qui écume au coin de leur bouche… mais qui assurent ensuite qu’ils sont pourtant respectueux.ses (nous n’avons sans doute pas reçu la même éducation).
Si vous avez suivi la première partie de ce best of, retrouvons Dr Jekyll et Mr Hyde, alias notre ami qui répondait à ses propres commentaires sous un autre pseudo :
C’est effectivement ce bout de chiffon qui permet de nier la réalité et qui convient aux gens qui planent, qui est un problème pour ceux qui le portent comme pour ceux qui ne le portent pas… Alors ouste !
Puis il ajoute : « Merci de ne pas censurer ma contribution, sincère et respectueuse ».
Un autre membre de notre fanclub réagit à l’article « Les 10 choses qui étonnent le plus depuis que je porte le hijab » :
Un article sans aucun intérêt quand on fait un choix, on doit l’assumer. Vous n’êtes pas exceptionnelle, vous êtes comme les autres voilées.
(Traduction : « C’est toi qui as voulu porter ton voile à la noix, alors maintenant tu encaisses et tu arrêtes de te plaindre. Tu te crois différente ? Lol, pourtant vous êtes toutes pareilles. »)
Puis, quand on lui dit qu’il ou elle peut exprimer ses opinions sans montrer autant d’animosité :
Je n’ai en aucun cas manquer (sic) de respect à l’autre, mais je démens juste ce qui n’est pas vrai dans son article. On veut nous présenter une femme voilée comme une femme normale, alors que c’est complètement faux.
Ben quoi, j’ai juste dit que « l’autre » (espérons qu’il voulait dire « l’auteure ») ne pouvait pas être une femme normale parce qu’elle porte le voile, je vois pas où est le souci ?! Voilà, on peut plus rien dire sans que la police de la bien-pensance nous tombe dessus !
Un autre admirateur secret avait vraiment très envie que je lise ce qu’il pensait de mon article « Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le voile », et a donc envoyé sa critique littéraire à la fois en commentaire Facebook et par mail :
Comment voulez-vous avoir une certaine crédibilité avec vos réponses dont les arguments sont faibles et peu réfléchis, agrémentés d’insultes. (…) Je trouve ces remarques impertinentes et sans aucun intérêt. (…) Vous instaurerez davantage de haine et de dégoût tout comme de l’incompréhension. (…) Respectez la religion judéo-chrétienne qui est celle du pays qui vous a accueillies. J’aurai plus de considération pour vous et votre association lorsque vous apporterez de vrais arguments.
Si j’applique son raisonnement, cela veut dire que même si j’aimerais vraiment tenir compte de son commentaire, je ne peux pas puisque le ton qu’il emploie est trop condescendant – dommage… D’ailleurs, il continue en répondant à un lecteur qui est intervenu : « Il est simplement dommage d’écrire ce brouillon de 14 arguments, de manière si puérile et vide ».
Puis, quand la police de la bien-pensance le rappelle à l’ordre, il s’étonne :
Je ne critique pas l’écrivain mais la façon dont elle s’exprime, et qu’elle essaie de faire passer un message.
Aah ben oui, c’est vrai que je ne me sentais pas du tout visée ou agressée ; d’ailleurs, à la fin, il me souhaitait un joyeux Noël, ça prouve bien qu’il était plein de bons sentiments. En fait il le faisait dans la bienveillance, pour me donner des conseils, et moi je suis vraiment trop susceptible…
Merci pour le coaching, alors, et s’il te plaît, dis-moi si j’ai fait des progrès dans cet article !
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