Mademoiselle, c’est un conseil : tu es trop belle et trop sexy mais c’est dommage, tu te prends trop au sérieux. Fais un sourire quand tu marches dans la rue !
Nous sommes vendredi 20 mai 2016, en plein cœur de Bordeaux. Il est environ 16 heures et mon sang ne fait qu’un tour. Cet homme d’une quarantaine d’années n’est pas à son premier coup d’essai. La suffisance de ce bellâtre aux cheveux gras est à la hauteur de ma stupéfaction. Comment peut-on se lever du tabouret sur lequel on est confortablement assis, traverser la rue et bloquer le passage à une jeune femme pour lui donner un « conseil » vindicatif sur la manière dont elle doit se comporter dans l’espace public ?
Si cet homme n’a pas de respect, pourquoi n’a-t-il pas au moins la flemme ?
Je ne suis pourtant pas au bout de mes surprises. Pour le bougre, il s’agissait d’une démonstration. Une horde de jeunes hommes avec qui il scrutait la rue a assisté à la scène, à la fois hagards et contemplatifs. Sommé de rester à sa place et de ne pas m’indiquer la manière de me comporter, l’animal s’est ensuite offusqué tout en feignant le dégoût.
Oh mais tu cries en plus, je déteste les femmes qui crient !
Quel dommage ! j’avais pourtant tout misé sur mes chances avec cet homme. Je vais donc devoir me remettre de cette rupture avec ce machin gesticulant qui regrette de ne pas pouvoir m’agresser dans le silence. Ma vie est foutue.
Remarques gênantes et intrusives, insultes, sifflements … Tous les jours, les femmes, quel que soit leur âge ou leur physique, subissent le harcèlement de rue. Il y a 4 ans, la réalisatrice belge Sofie Peeters a mis en exergue ce phénomène avec Femmes de la rue, un documentaire sur le sexisme ordinaire à Bruxelles.
Selon le géographe Yves Raibaud, le harcèlement de rue est « une pratique systémique qui participe à faire de la ville un espace essentiellement masculin. » Oui le harcèlement est exercé par un même acteur : le mâle hétérosexuel.
Petit mémo à destination des harceleurs
Difficile de stopper toute velléité masculine de mettre les femmes au premier plan de ses priorités malsaines dans l’espace public. Alors à toi, homme qui investit la rue, voici un petit mémo en 6 points qui te montrera que non, aucune femme n’a envie que tu commentes sa tenue, sa démarche ou la forme de ses fesses lorsqu’elle se promène.
1. D’une part, parce qu’elle ne te connaît pas. Et d’autre part, parce qu’elle ne t’a pas demandé ton avis.
Demande-toi ce que tu infliges à cette femme lorsque tu pénètres son espace de tranquillité pour répondre à une question qu’elle ne t’a pas posée. Entends-tu des voix ?
2. Non, une femme n’a pas envie que tu commentes son apparence car, tout simplement, et aussi étonnant que cela puisse te sembler, elle n’a pas envie de te plaire.
Kesako ? Je répète : la femme que tu harcèles à ce moment précis ne s’est pas levée le matin en espérant satisfaire tes yeux et ton bonheur. A vrai dire, tu n’existes pas et elle ne vit pas pour toi, l’agresseur.
3. Non, tes remarques sur son apparence ne la valorisent pas.
Justement parce que par ces mots salaces tu participes à l’injonction permanente que subissent les femmes, à savoir : être désirables. Elle ne veut pas que tu la désires. Elle n’est pas ton objet sexuel.
4. Non, la rue ne t’appartient pas.
La rue est un espace public et donc un espace ouvert à tous.tes. As-tu passé un test réservé aux hommes afin de pouvoir y circuler sans encombres ? Pas aux dernières nouvelles. Alors rappelle-toi que tu n’as pas à indiquer à une femme comment elle doit y circuler ni lui imposer ton comportement intrusif.
5. Non, tu n’obtiendras pas de faveurs sexuelles de la part d’une femme en l’insultant ou en la sifflant parce que tu penses qu’elle adore.
Sois réaliste, une femme n’est pas qu’un corps, elle réfléchit et ne va pas te remercier pour ton comportement abject. Qui es-tu pour croire le contraire ?
6. Non, tu n’es pas le premier homme qui l’agresse même si c’est la première fois que tu la vois.
Et oui, rappelle-toi que tu n’es pas le centre du monde et qu’agresser plusieurs femmes une fois chacune fait bel et bien de toi un harceleur.
Alors messieurs, laissez l’espace public être un espace de transit, de voyage et de partage. Un espace que vous devez aussi nous laisser arpenter en paix.