Les histoires courtes de Pommette sont des petits textes de fiction destinés à redonner espoir, inspirer et faire rêver les femmes musulmanes. Merci à la talentueuse Myriam pour ses magnifiques illustrations !
Henri Zemar quitta le plateau télévisé un sourire satisfait sur les lèvres. Ce soir, il avait démontré avec brio l’incompatibilité des musulmans, islamistes et islamo-gauchistes, trois mots différents ne désignant qu’une seule et même réalité, avec les lois de la République. Durant les cinquante minutes d’antenne, le journaliste n’avait cessé de hocher la tête, le mettant en confiance. Il était particulièrement fier d’une réplique : « La charia est aussi républicaine que le kebab est français », réplique dont le niveau intellectuel n’avait d’égal que l’intensité des réactions qu’elle avait suscitées sur les réseaux sociaux.
Durant le trajet retour vers chez lui, Zemar jubila à l’idée de visionner son intervention en replay, une vieille habitude qu’il avait acquise depuis qu’il fréquentait assidument les plateaux télévisés. A chaque visionnage, il s’extasiait devant ses qualités d’orateur et la profondeur de ses propos, qui s’exprimaient avec toujours plus d’approbation et toujours moins de contradiction de la part des journalistes.
A quelques rues de là, Super M, investie d’une nouvelle mission, s’activait dans sa chambre. Ses doigts pianotaient sur le clavier à toute vitesse, tandis que les lignes de code défilaient sur son écran.
Le lendemain de son intervention, Zemar commença sa journée en s’adonnant à son rituel favori. Il posa son plateau déjeuner sur ses genoux, puis saisit la télécommande et sélectionna le replay de l’émission. L’écran grésilla quelques instants, avant que l’image ne devienne claire. Les sourcils de Zemar se froncèrent à la vue d’une femme portant le voile. Assise devant un fond de couleur rose, celle-ci déclara : « Bonjour ! Je suis Nadia, cheffe d’entreprise, et musulmane ! » L’image suivante était celle d’une jeune femme aux longs cheveux bruns bouclés, qui s’exclama : « Bonjour ! Je suis Leila, réalisatrice, et musulmane ! » La troisième séquence représentait une femme âgée, arborant avec fierté un turban orange. « Bonjour, je suis Hayet, chirurgienne, et musulmane ! », dit-elle.
Crédit : @myriam_arts
Pendant cinquante minutes, Zemar scruta ces visages incompatibles avec la République avec fureur. La télécommande ne fonctionnait visiblement plus, impossible de changer d’émission ou même d’éteindre la télévision.
Zemar se saisit d’une serviette et épongea son front plein de sueur. Puis, à bout de souffle, il vacilla, tandis qu’un logo noir « Super M » s’affichait à l’écran.
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