« Il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien », peut-on lire dans le Coran (sourate 2, verset 216). J’ai effectivement la conviction que dans chaque chose, même difficile, il y a du bon. Mais alors, où est le positif dans le fait de vivre dans un climat où le rejet des musulman·e·s s’exprime de manière de plus en plus décomplexée ? J’ai essayé de trouver quelques raisons de remercier les islamophobes…
1. Je connais mieux ma religion – et j’y adhère encore plus
Eh oui, c’est dommage pour les personnes qui voulaient m’en dégoûter en me mitraillant de faits négatifs sur l’islam et les musulman·e·s, mais cela m’a poussée à me renseigner en profondeur sur ce que disent réellement nos sources. Et ce que j’ai découvert m’a prouvé que beaucoup de choses étaient dites par ignorance, mais venaient aussi du fait que nous trahissons de nombreux enseignements du Coran et de la vie du Prophète (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui).
Crédit : BDouin / Le Muslim show
Je remercie donc tou·te·s les excité·e·s qui ont été à l’origine de la redécouverte de mes propres sources religieuses. Cela m’a permis de comprendre la profondeur de certains gestes que je faisais par habitude, de reprendre confiance dans la place que l’Islam me donne en tant que femme, ou encore de redécouvrir ses valeurs et principes authentiques. Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a rien de tel que de lire la biographie du Prophète (par exemple celle écrite par le Dr Martin Lings) ou les récits des premier·e·s musulman·e·s pour être convaincue que c’est cette éthique et ces exemples que je veux suivre.
En bonus, les islamophobes et leurs discours correspondent tellement aux descriptions qui en sont faites dans certains passages du Coran que même les observer ne peut que renforcer ma foi…
2. Je suis sûre de qui je suis et de mes convictions, car elles ont été durement testées
Une chose est sûre : si je n’avais pas vraiment envie de suivre ma religion, j’aurais eu mille occasions de laisser tomber de nombreuses pratiques. Ma vie sociale et ma vie professionnelle en auraient été bien plus faciles, et pas seulement par rapport à mon hijab. Je remercie donc Dieu de m’avoir permis de traverser ces tests et de savoir ce à quoi je tiens réellement, même au prix de sacrifices certains.
Ceci est d’autant plus important qu’en Islam, la sincérité est la base essentielle à toute action. Il ne sert strictement à rien de faire quelque chose pour plaire aux gens, pour être bien vu·e, etc. Or, peut-être que si je vivais dans une société musulmane, mon intention aurait été entachée par des motivations « mondaines » : me fondre dans la masse, avoir bonne réputation, éviter les critiques… J’espère donc que les difficultés auxquelles je fais face me permettront au moins de justifier d’une intention sincère, cherchant à satisfaire Dieu même si cela implique de déplaire à mes semblables. Alors merci les ami·e·s pour cette belle occasion de grandir spirituellement et mentalement !
3. Je vois que les difficultés nous encouragent à dépasser nos limites
Je pense que les difficultés que nous rencontrons nous poussent à considérer de nouvelles options et à investir des champs qui ne nous semblaient pas prédestinés. Par exemple, on compte de plus en plus de femmes entrepreneures qui ont lancé leur propre activité parce qu’elles ne trouvaient pas d’emploi à la hauteur de leurs compétences (ou d’emploi tout court) sur le marché du travail classique. On peut aussi penser aux entrepreneur·e·s qui ont constaté qu’aucune offre ne répondait réellement à leurs besoins, et qui ont décidé d’y remédier en créant un nouveau produit ou service.
Je vois également de plus en plus de personnes qui partent vivre à l’étranger pour échapper aux limitations que font peser le racisme et l’islamophobie en France. Ces limitations peuvent se ressentir sur les perspectives professionnelles, sur les activités accessibles au quotidien, ou tout simplement sur le potentiel de bien-être et de bonne santé dans un climat où nous sommes constamment pointé·e·s du doigt. Il est triste de devoir quitter son propre pays pour vivre pleinement et sereinement, mais c’est aussi un changement de vie qui peut offrir encore plus d’opportunités, de perspectives et d’épanouissement que si nous avions eu une vie « normale » en France.
Crédit : Muslim Travelers
Bref, peut-être que si nous ne rencontrions pas de difficultés en tant que musulman·e·s en France, nous resterions tou·te·s dans une zone de confort certes confortable, mais qui ne nous ferait pas beaucoup avancer. Alors merci de nous encourager à élargir notre champ des possibles, c’est vraiment gentil tout plein.
4. J’ai eu droit à des cours intensifs en leçons de vie
Je pense sincèrement que je ne serais pas la même personne sans l’environnement actuel et les difficultés que j’ai rencontrées parce que je suis une femme, jeune, musulmane, d’origine maghrébine, qui porte le foulard.
Il a bien fallu que j’apprenne à me distancier des critiques gratuites, à faire abstraction du brouhaha extérieur pour écouter ce que je voulais vraiment, et à avancer sans me laisser freiner par le regard ou le jugement des gens. Non pas parce que je suis particulièrement forte ou confiante en mes propres capacités, mais parce que sans cela, je finirais par me sentir morte intérieurement, écrasée par les injonctions, le mépris et le piétinement de ma propre identité.
J’ai aussi appris beaucoup de choses sur la nature humaine. J’ai encore du mal à croire que des personnes puissent mentir de façon éhontée sans ciller, être aussi convaincu·e·s de leur propre supériorité, se laisser bêtement aveugler par un discours dominant, ou encore abriter une telle haine dans leur cœur. Mais au moins, j’y ai été confrontée et je suis bien obligée d’être consciente que cela existe.
Evidemment, de tels apprentissages ne peuvent que me servir, et ce dans toutes les sphères de ma vie. Je ne prétends pas avoir tout vu, tout entendu, connaître le fond de la nature humaine ou être une machine qui ne se laisse jamais déstabiliser. Mais disons qu’il y a du chemin parcouru et que j’ai sans doute plus de cordes à mon arc que la jeune Emnus d’il y a quelques années.
Alors, qu’on soit d’accord, le but de cet article n’est pas de vanter les mérites des islamophobes ou de nous encourager à sourire et à nous taire face à ce que nous vivons. Mais nous disons en Islam que « la louange est à Dieu en toutes circonstances ». Je suis donc persuadée que Dieu ne veut toujours que notre bien et que si nous vivons ici, maintenant, dans ces conditions, c’est qu’il y a de bonnes raisons. Cela peut aider à patienter… en attendant peut-être de voguer vers d’autres horizons, enrichi·e·s de nos nouvelles expériences, de notre foi consolidée et de nos capacités renforcées.
Crédit image à la une : Oliver Contreras/Getty Images
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