On entend de plus en plus le discours selon lequel les musulman·e·s français·e·s, ou vivant en France, devraient adapter leur pratique au contexte dans lequel ils·elles vivent. Une fondation a même été créée pour nous aider à réformer notre religion, c’est vachement sympa. Les contours de « l’islam de France » demeurant toutefois encore un peu flous, j’ai réfléchi à ce que nous pourrions faire pour mieux nous intégrer. Voici donc dix propositions qui devraient nous permettre de devenir des musulman·e·s gentil·le·s et modernes.
** POUR INFORMATION CET ARTICLE EST PUREMENT IRONIQUE **
1. Rendre certaines pratiques moins contraignantes
Il faut le dire, certaines de nos pratiques sont barbares car beaucoup trop contraignantes. Nous pourrions donc les adapter pour les rendre plus compatibles avec la vie en France. Par exemple, nous pourrions imaginer de pouvoir boire pendant les longues journées de jeûne lorsque le mois de Ramadan tombe en été, ou encore réduire le nombre de prières quotidiennes à une ou deux, afin que cela soit plus en adéquation avec notre journée de travail et un esprit de modération.
2. Autoriser une plus grande souplesse en société
Vous connaissez tou·te·s cette situation : vous participez à l’anniversaire d’un·e ami·e, à la fête des voisin·e·s ou au pot pour le départ en retraite de votre collègue Jean-Michel. Et là… c’est le drame : vous refusez le verre d’alcool qu’on vous tend, marquant ainsi délibérément votre différence, faisant sécession du reste du groupe et, on peut le dire, cassant carrément l’ambiance. C’est dans ce genre de situation qu’un peu de souplesse serait la bienvenue, pour montrer que nous faisons corps avec le reste de la société, et que nous ne nous replions pas sur nous-mêmes. Et puis, comme vous l’a dit Jean-Michel : un p’tit verre, ça n’a jamais tué personne, hein !
3. Revoir notre échelle de priorités
Soyons honnêtes : jusque-là, on ne peut pas dire que nous ayons fait de gros efforts pour montrer que nous apprécions le patrimoine gastronomique français et que nous nous le sommes approprié. Par exemple, pourquoi nous entêter à refuser de manger du porc dans un pays où la charcuterie est une véritable institution ? En cas de conflit entre les clichés sur la France et notre religion, nous devrions donc systématiquement privilégier ce qui est « typiquement français ». En combinant ce point avec le précédent, à nous les soirées apéro avec un petit verre de rouge et un plateau de saucisson à partager. Ah bah tout de suite, on se sent plus Français·e, non ?
4. Bannir tout signe visible
Il est temps de se le mettre dans la tête : nous sommes en France, un pays laïc, et Jean-Marie Le Pen a enfin réussi à faire admettre cette vérité indéniable : la religion doit rester dans le domaine PRI-VÉ. L’idéal serait de pratiquer chez nous, la nuit, dans le noir et avec les rideaux fermés. Mais au minimum, nous devrions arrêter d’imposer aux autres la vue de notre pratique, et respecter leur droit de ne pas voir de musulman·e·s. C’est une question de simple respect de leurs libertés fondamentales.
5. Effacer toute trace de cultures étrangères
En complément du point précédent, nous devrions éviter toute confusion pour celles et ceux de nos compatriotes qui ont du mal à faire la différence entre ce qui relève de la religion et ce qui relève de la culture. Nous devrions donc également bannir les qamis, djellabas, salwar kameez, couvre-chefs et autres vêtements arabes, berbères, africains, indo-pakistanais etc., considérés comme islamiques par certain·e·s de nos concitoyen·ne·s. Non, la question n’est pas de savoir si cela a quelque chose à voir ou pas ; il s’agit de démontrer notre bonne volonté et de leur faciliter les choses.
6. Editer une nouvelle version du Coran
Rappelons-nous qu’en étant en France, nous sommes du bon côté de la Force, celui de la civilisation et du progrès. Montrons donc que nous sommes capables de vivre un islam des Lumières, enfin débarrassé de ses aspects barbares. Pour cela, dotons-nous d’une nouvelle version du Coran, agréée par le Ministère de l’Intérieur. En cas de divergences persistantes, nous pourrons également envisager la possibilité d’adopter la Bible comme principal livre sacré (à voir si nous devrons également l’alléger de ses passages violents).
7. Élever nos enfants dans la neutralité
Préservons ces âmes innocentes de l’endoctrinement dont nous avons nous-mêmes été victimes et éduquons-les dans la neutralité religieuse la plus stricte. Nous pourrions mettre en place un système de baby-sitting pour les faire garder pendant que nous allons à la mosquée, et aménager une pièce protégée chez nous, où accomplir notre unique prière quotidienne et ranger notre Coran (nouvelle version agréée). Nous augmenterions ainsi leurs chances d’intégration, afin qu’ils·elles ne reproduisent pas les mêmes erreurs que nous, du temps où nous pensions qu’il n’était pas nécessaire de créer un islam spécifique à la France.
8. Démontrer notre adhésion aux valeurs progressistes
Il est vrai que notre appartenance à l’islam suscite des doutes légitimes chez nos compatriotes : nous réjouissons-nous de la mort d’innocent·e·s ? Sommes-nous pour la lapidation en public des femmes qui ne portent pas le voile ? Rêvons-nous de passer au fil de l’épée les non-musulman·e·s ? Il est important de prendre le temps de rassurer nos concitoyen·ne·s et de leur prouver que nous sommes bien humains, mais aussi que nous vivons avec notre temps. Pour cela, nous devons nous tenir prêt·e·s à communiquer publiquement et à répondre à toutes les injonctions – pardon, demandes – de clarification qui nous sont adressées.
« Nous aspirons à une coexistence pacifique. »
9. Permettre à tout le monde d’enseigner l’islam
Pour prouver notre coopération effective avec l’État, nous pourrions commencer par confier l’enseignement de l’islam et les fonctions d’imam à des fonctionnaires, non-musulman·e·s, afin de garantir leur impartialité. Il faut également reconnaître que de nos jours, en particulier via internet, les connaissances sont facilement accessibles, ce qui permet à nombre de nos concitoyen·ne·s de maintenant connaître l’islam sur le bout des doigts. Ne nous laissons donc plus berner par des professeur·e·s sous prétexte qu’ils·elles ont étudié pendant huit ans, et privilégions des expert·e·s éclairé·e·s et objectif·ve·s, autodidactes formé·e·s grâce à Google.
10. Se faire baptiser et aller à la messe le dimanche
Tant qu’à faire, ça serait peut-être la solution la plus simple pour qu’on nous fiche enfin la paix…
Crédit image à la une : Vincent Kessler / Reuters
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